Ludmilla Chiriaeff
Crédit photo : Archives de la Place des Arts
Crédit photo : Archives de la Place des Arts
Philippe Couture - 9 octobre 2024

Ludmilla Chiriaeff: hommage à une pionnière inoubliable de la danse à Montréal

Dans le milieu de la danse montréalais, peu de figures ont laissé un héritage aussi marquant que Ludmilla Chiriaeff, la célèbre danseuse et chorégraphe qui a fondé les Grands Ballets Canadiens. À l’occasion du spectacle LUDMILLA, présenté par les Grands Ballets à la Place des Arts les 24, 25 et 26 octobre, Ginette Laurin, chorégraphe renommée, et Anik Bissonnette, étoile du ballet québécois, nous racontent leurs souvenirs à propos de cette femme extraordinaire qui a façonné le paysage de la danse au Québec. 

 

Anik Bissonnette se souvient de ses premiers pas à l’Académie des Grands Ballets Canadiens, sur le chemin Queen-Mary, dans les années 1970, alors qu’elle était toute petite. Et très impressionnée par celle qu’on appelait tout simplement « Madame ». « C’est elle qui m’a accueillie, qui m’a dirigée avec ma sœur dans la classe de ballet. Elle était extrêmement présente. » Ludmilla Chiriaeff ne se contentait pas de gérer l’école, elle suivait de près les progrès de ses élèves, marquant à jamais les gens qui croisaient son chemin. 

 

L’ex-ballerine aujourd’hui directrice artistique de l’École supérieure de ballet du Québec raconte avec émotion le développement de leur relation. « À partir de 1989, une amitié très, très proche s’est développée entre nous. On se parlait beaucoup, on se voyait souvent, elle savait tout sur moi pendant que je dansais aux Grands Ballets Canadiens. » 

 

La chorégraphe Ginette Laurin, qui prépare avec cinq interprètes une chorégraphie dédiée à Mme Chiriaeff pour le spectacle-hommage, a des souvenirs similaires, qui remontent à l’enfance. « Je l’ai rencontrée lors de mes débuts en ballet et danse moderne. Elle avait cette capacité de voir le potentiel chez ses élèves. À la fin d’une classe, elle m’a offert une bourse pour poursuivre mon entraînement à l’École supérieure de ballet. » 

 

Ce moment clé dans sa jeunesse a scellé sa trajectoire en tant qu'artiste. « J’avais 15 ans, et malgré mon retard pour une formation classique, elle a vu quelque chose en moi. Le souvenir de ce jour reste très fort. Elle était douce, généreuse, et en même temps imposante. » 

 

Un héritage de générosité et de détermination  

 

Avant elle, la scène de la danse classique était quasi inexistante à Montréal. C’est Ludmilla Chiriaeff qui, dans les années 1950, a posé les bases d’une pratique structurée du ballet. Elle a tout fait pour promouvoir la danse, même dans des contextes difficiles, comme lorsqu’elle a introduit la danse à la télévision, malgré les critiques acerbes de certains, qualifiant ses danseuses de « petites sauterelles », comme le rappelle Anik Bissonnette. 

 

Ludmilla Chiriaeff s’est battue non seulement pour mettre sur pied et développer une compagnie de ballet à Montréal, mais aussi pour donner naissance à une identité québécoise dans le monde de la danse. Elle a formé des danseurs et chorégraphes qui ont marqué l’histoire, comme le chorégraphe Fernand Nault, qui a créé des œuvres majeures comme Casse-Noisette et Tommy, ouvrant les portes de l’international aux Grands Ballets Canadiens. 

 

Ginette Laurin se souvient également de l’influence de cette époque, marquée par une effervescence artistique. « Il y avait des danseurs incroyables comme Vincent Warren, qui ont été des piliers de ma carrière. Ludmilla a su reconnaître le potentiel de la scène québécoise et a créé des institutions dans un contexte où tout était à bâtir. »  

 

« Elle voulait développer une identité québécoise. Même si elle venait du ballet classique russe, elle a permis au Québec de se démarquer sur la scène internationale. » Ludmilla Chiriaeff a donc non seulement façonné la danse classique, mais aussi permis l’émergence des pratiques contemporaines, influençant des artistes comme Marie Chouinard ou Ginette Laurin. 

 

Un spectacle pour faire miroiter toutes les facettes de Madame 

 

Parmi d’autres chorégraphes qui connaissent bien la vie et l’œuvre de Ludmilla Chiriaeff, comme Jean Grand-Maître et James Kudelka, Ginette Laurin est fière de contribuer au spectacle LUDMILLA. « Je travaille sur une pièce intitulée Le Funambule. Cette création est une revisitation d’une œuvre que j’avais dédiée à Mme Chiriaeff en 1998, deux ans après son décès. » 

 

La chorégraphie pour cinq danseurs explore l’équilibre précaire entre stabilité et déséquilibre. « C’est une pièce très fine, qui joue avec les lignes d’équilibre, aussi bien dans la scénographie que dans le mouvement des danseurs. Il y aura plusieurs tableaux visuels en lien avec la chorégraphie pour renforcer cette sensation. » 

 

Le spectacle comprend aussi, avec l’accord de The George Balanchine Trust, une reprise du ballet Les Quatre Tempéraments, de Georges Balanchine, ainsi que les chorégraphies Désir, de James Kudelka, et Continuum, de Jean Grand-Maître. De quoi évoquer la force de l’héritage de Ludmilla Chiriaeff tout en y insufflant une nouvelle énergie créative. 

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