Loui Mauffette : Ô Loup! et l’éternel cri de l’enfance
Dans le paysage culturel québécois, Loui Mauffette n’a nul pareil. S’épanouissant ces dernières années en tant qu’artiste multidisciplinaire après des décennies à s’illustrer comme l’un des meilleurs attachés de presse du milieu culturel québécois, il a inventé son propre genre scénique, la « stonerie poétique ». Avec Ô Loup! et autres palpitations poétiques, il plonge dans son enfance et signe une performance plus intime, presque un solo. Presque, car Loui Mauffette ne fait jamais rien tout seul...
Crédit : Francis Ducharme
Autour de lui gravitent ses complices de toujours – Patricia Nolin, Gilles Renaud, Guido Del Fabro – et les fantômes bienveillants d’un père poète et d’une enfance enchantée. Ô Loup! est une œuvre différente, plus intime, mais dans laquelle on retrouve la même énergie rassembleuse que dans les spectacles Poésie, sandwichs et autres soirs qui penchent et Chansons pour filles et garçons perdus.
L’appel d’un enfant au loup
« Ô Loup! c’est le cri d’un enfant qui n’a jamais cessé de résonner, confie Loui Mauffette avec l’intensité qui le caractérise. C’est ce gamin de cinq ans qui crie au loup, pour jouer, pour attirer l’attention. Mais aujourd’hui, ce cri, c’est aussi le mien. »
Le spectacle, porté par une écriture tantôt onirique, tantôt crue, navigue entre fragments d’enfance, fables et poésie. Une mosaïque d’émotions brutes et de souvenirs partagés. Pour la première fois, Loui y intègre largement ses propres textes. « J’écris depuis peu, et c’est une révolution personnelle. Mes textes sont comme des flotteurs. Ils me protègent, mais ils m’obligent aussi à me mettre à nu. »
Entre ses mots et ceux des poètes Aimé Césaire ou Robin Aubert, Loui Mauffette construit une partition poétique à la fois vibrante et fragile, où chaque fragment est une étincelle.
L’enfance et la mort : des miroirs croisés
Deux thèmes récurrents hantent l’univers de Loui Mauffette : l’enfance et la mort. « Pour moi, ces deux moments de la vie sont intimement liés, comme deux extrémités d’un même souffle », explique-t-il. L’enfance, avec son émerveillement et sa vulnérabilité, trouve un écho troublant dans la finitude de la vie.
« J’ai souvent l’impression que l’enfant que j’étais observe l’homme que je suis devenu, et vice versa. Dans Ô Loup! je tente de faire dialoguer ces deux voix », poursuit-il. Ce dialogue se traduit sur scène par des récits empreints de tendresse et d’impudeur, où la perte d’êtres chers côtoie des souvenirs lumineux de sa maison familiale de l’Anse de Vaudreuil, univers magique qui a bercé son enfance.
Loui Mauffette ne craint pas d’aborder les sujets difficiles avec une étonnante légèreté. « La mort est une présence constante dans ma vie, mais je refuse d’y voir uniquement une tragédie. Je veux lui trouver une poésie, une lumière. C’est peut-être ça, l’héritage de mon père. »
L’héritage de Guy Mauffette
Le spectre du père, Guy Mauffette, plane sur Ô Loup! comme une présence douce et inspirante. « C’est à ses funérailles, en lisant un de ses poèmes, que j’ai compris que je devais moi aussi devenir un passeur de mots », se remémore Loui.
En hommage à cet homme qui animait l’emblématique Cabaret du soir qui penche, Loui intègre des vinyles anciens à ses performances. Entre deux lectures, le public entend les mélodies de Guy Béart ou de Monique Leyrac, tissant un pont entre les générations. « Ces chansons, ce sont les voix de mon enfance, les voix qui m’ont bercé. »
Une fête poétique
« Ce n’est ni un cabaret ni un récital classique », précise Loui Mauffette. Ô Loup! est une fête intime et imprévisible, un stand-up poétique où l’émotion surgit comme un feu d’artifice. »
Sur scène, la table familiale prend forme. Les rires côtoient les silences poignants, l’humour côtoie la mélancolie. Gilles Renaud et Patricia Nolin, amis et mentors, incarnent des figures tutélaires, tandis que Guido Del Fabro, compositeur et violoniste, enveloppe le tout d’une toile sonore envoûtante. Maxime Denommée et Catherine De Léan, comédiens un peu plus jeunes, incarnent le dialogue vibrant entre générations, alors que le pianiste Martin Lizotte apporte sa touche musicale subtile.
L’universel dans l’intime
En décembre 2023, Loui Mauffette a également offert au public un prolongement sonore de son univers avec deux épisodes de balado intitulés Le sens de Loui, diffusés sur Radio-Canada Ohdio. Dans ces émissions, l’artiste convie à un voyage musical au cœur de son univers impressionniste, fait de choix musicaux éclectiques et d’anecdotes passionnées. Avec sa voix chaude et ses élans romantiques, il offre un moment de célébration propice aux retrouvailles, rappelant l’essence même d’Ô Loup!
Ce qui frappe, c’est cette capacité à rendre le singulier universel. Les spectateurs, happés par la sincérité du récit, retrouvent en eux les échos de leurs propres histoires. En quittant la salle, ils emportent avec eux le cri de l’enfance.