En résidence à la Place des Arts : Ondinnok
En octobre, les esprits des ancêtres étaient conviés dans la salle de répétition G de la Place des Arts pour prendre part au processus de création du spectacle TLAKENTLI, sous la direction du metteur en scène Yves Sioui Durand. À mi-chemin de cette résidence artistique de dix jours, nous avons rencontré Leticia Vera et Carlos Rivera, les deux interprètes, pour en savoir plus sur ce spectacle alliant danse et théâtre, qui sera présenté l’hiver prochain à la Cinquième Salle.
Que signifie le titre du spectacle ?
Carlos Rivera (C) : « Tlakentli » vient du nahuatl, la principale langue autochtone dans le centre du Mexique. « Tlakentli » signifie « élégant ». C’est une métaphore qui est au cœur du spectacle.
D’où vient cette idée ?
C : Tout a commencé par une vieille photo que Leticia a reçue de sa grand-mère. On y voit entre autres son grand-père. Ses traits sont clairement autochtones, mais il est habillé à l’occidentale. Cette photo soulève la question des origines, mais aussi celle des transformations identitaires.
Les changements de vêtements — mettre un chapeau, par exemple — illustrent le processus d’adaptation à de nouvelles normes socioculturelles. Ils témoignent aussi des identités qu’on abandonne dans cette transformation. En ce sens, ils sont une métaphore de ce que les autochtones ont vécu avec la colonisation.
Et comment ces réflexions se traduisent-elles sur scène ?
Leticia Vera (L) : Nos personnages explorent par la danse et le théâtre une série de situations qui partent d’expériences personnelles, mais qui ont une résonnance universelle : qui sommes-nous, d’où venons-nous ?
C : Il y a, par exemple, une scène où nos personnages affrontent l’hiver. Comme immigrants, l’hiver nous porte à réfléchir sur nos raisons d’être venus ici et d’y rester. Je crois que même pour ceux qui sont nés ici, l’hiver est une période de définition identitaire.
Credit photo : Place des Arts
Nous abordons aussi la violence faite aux femmes, dans une scène où un homme revient chez lui après s’être enrichi aux États-Unis et force la femme à reprendre leur relation là où il l’a laissée. Nous demandons pourquoi les hommes croient avoir ce genre de droits et pourquoi la société les laisse faire.
Pourquoi éprouviez-vous le besoin de retravailler le spectacle après la présentation d’une première version l’an dernier ?
L : Nous avions envie d’approfondir les thèmes du spectacle. Et cette fois-ci, nous avons la chance de travailler avec Yves Sioui Durand, le cofondateur de la compagnie de théâtre Ondinnok. Cette résidence artistique à la Place des Arts est un cadre parfait pour continuer ensemble le travail créatif.
Légende : Yves Sioui Durand et Leticia Vera
Que vous apporte cette collaboration avec Yves Sioui Durand ?
C : C’est un metteur en scène d’une grande expérience, ce qui nous donne la confiance nécessaire pour aller plus loin. Il nous aide aussi à clarifier les thèmes du spectacle.
L : Carlos et moi avons surtout œuvré dans le milieu de la danse, alors qu’Yves vient du milieu du théâtre. Son expérience enrichit la dimension théâtrale du spectacle.
Pourquoi inclure la poésie en innu de Joséphine Bacon dans le spectacle ?
L : Nous voulons faire ressortir la parenté entre les cultures autochtones. D’où l’idée d’inclure des poèmes en innu, alors que nous sommes des descendants d’indigènes mexicains. Ces poèmes, comme les passages de la pièce en nahuatl et en zapotèque, font également partie de notre volonté de faire revivre les langues autochtones et de valoriser cet héritage culturel.
Qu’est-ce qui vous a occupés depuis le début de cette résidence artistique ?
C : Nous analysons le scénario de chaque scène avec Yves pour trouver la meilleure façon de présenter sur scène les histoires conçues par Leticia. C’est en partie du travail de table, mais nous travaillons aussi en mouvement, avec des éléments de costume et des enregistrements musicaux.
Légende : Carlos Riviera. Crédit photo : Place des Arts
Et qu’est-ce qui est au programme cet après-midi ?
L : Nous allons travailler la scène « La visita », où nous ouvrons une fenêtre sur le monde préhispanique à travers le tissage traditionnel mexicain.
Pour ce faire, nous allons probablement méditer avec Yves. Il pratique le théâtre divinatoire, où les esprits des ancêtres s’expriment à travers nous. Par une cérémonie, nous entrons dans un état méditatif proche du rêve qui permet à des ancêtres de nous parler. C’est une expérience très profonde.
Et que croyez-vous que les Québécois devraient savoir par rapport aux cultures autochtones ?
C : J’aimerais que la population canadienne, incluant les immigrants, soit plus curieuse des cultures autochtones et qu’elle s’informe de l’histoire de ces peuples. C’est en reconnaissant ce qui s’est passé et en apprenant à connaître ces cultures que nous allons pouvoir en arriver à la réconciliation.
Ondinnok présentera son spectacle TLAKENTLI du 14 au 16 mars 2019 à 20 h à la Cinquième Salle de la Place des Arts.