En résidence – Danza Descalza en quête de l’élan de vie
Crédit photo : Thibault Carron
Crédit photo : Thibault Carron
Philippe Couture - 8 juillet 2021

En résidence – Danza Descalza en quête de l’élan de vie

Pour danser la résistance des peuples et la force du rassemblement, les chorégraphes du collectif Danza Descalza puisent dans les traditions afro-colombiennes et les codes de la danse contemporaine. Également animatrices d’ateliers de danse offerts au grand public, Andrea Niño et Laurence Sabourin-Laflamme partent en quête de la pulsion de vie dans le spectacle IMPULSO, sur lequel elles ont travaillé en résidence de création à la Place des Arts. 

 

Dans sa Colombie natale, Andrea Niño a toujours dansé. Même si elle n’est pas elle-même afrodescendante, c’est la richesse de la culture afro-colombienne qui a le plus souvent guidé ses pas au fil des années. C’est toujours le cas à Montréal, où elle continue de réinventer ces traditions en les hybridant avec une danse contemporaine toute personnelle, conçue en symbiose avec sa partenaire de création, la chorégraphe Laurence Sabourin-Laflamme, ainsi qu’avec différents interprètes.

 

Pendant leur résidence de deux semaines dans un studio de répétition de la Place des Arts en juin, elles ont formé un trio créatif avec le danseur Jayro Alonzo Rojas. Certains matins, la musicienne jazz Rachel Therrien s’est jointe à eux pour composer, en adéquation avec leurs pas, une musique d’inspiration afro-cubaine. Tout ce beau monde s’est activé devant l’œil éclairé de la répétitrice Ariane Boulet.

 

 

« Nous faisons une interprétation contemporaine des danses afro-colombiennes à partir de notre vécu, laissant nos corps s’approprier ces influences, explique Andrea Niño. Esthétiquement, nous aimons ces danses, qui ont un rapport ferme avec le sol, mais qui impliquent aussi une grande mobilité des hanches et du haut du corps, dans une certaine circularité, et qui font écho à une sensation de connexion avec les remous de la terre. Il y a dans ces danses une évocation de la force des peuples afrodescendants en Amérique, qui restent debout malgré les agressions et les violences. »

 

« Il y a dans ces danses une évocation de la force des peuples afrodescendants en Amérique, qui restent debout malgré les agressions et les violences. »

 

Danser avec le peuple

 

Le collectif valorise aussi une danse élaborée pour être interprétée dans différents lieux atypiques, en rupture avec l’habituel rapport scène-salle. « Nous brisons le quatrième mur pour faire en sorte que le public entre physiquement et profondément en relation avec la pièce, explique Laurence Sabourin-Laflamme. Cette partie de notre travail se nourrit beaucoup de notre expérience de facilitatrice et d’animatrice d’ateliers de danse grand public. »

 

 

Lors de ses nombreux séjours en Colombie, la chorégraphe a d’ailleurs été marquée par le caractère rassembleur des danses de rue, pratiquées par toutes les classes sociales et toutes les générations. « Ces danses se font en communauté et elles sont loin d’appartenir aux seuls danseurs professionnels. Elles créent des moments de partage, de communion. Nous tentons d’apporter cette dimension au Québec, où la danse a un peu perdu ce caractère communautaire pour devenir très institutionnelle. »

 

IMPULSO, en quête de la vitalité originelle

 

Dans Ako, le premier spectacle du collectif, des interprètes masqués et costumés se délestaient peu à peu de ces oripeaux pour tenter d’enlever « des couches de distance entre eux et le monde », dans une « métaphore de la transformation de l’être », d’abord dans un monde un peu gris et déshumanisé, puis de plus en plus propice « à la vitalité et à la joie », selon Laurence Sabourin-Laflamme.

 

La quête de « l’état originel de vitalité de l’humain » est aussi la grande ambition d’IMPULSO. « C’est une pièce qui surgit en pleine pandémie, dans un moment de difficulté et de destruction, explique l’artiste. Nous nous sommes demandé comment y répondre. Et, pour nous, la réponse vient des corps, de la pulsion vitale qui continue de les animer. Malgré tout, on résiste. Nous continuons à chercher la vitalité. Nous voulons explorer comment, à l’intérieur de la danse elle-même, se crée cette pulsion de vie. »

 

 

« Nous savons que, si nous avons le luxe de nous placer à cet endroit de vraie vitalité aujourd’hui, c’est parce que d’autres avant nous, d’autres femmes notamment, ont mené des combats et ont farouchement résisté aux oppressions, ajoute Andrea Niño. Notre pièce est donc porteuse de l’héritage de ces femmes. Je viens d’un pays en guerre, qui est particulièrement violent envers les femmes. Alors, pour moi, cette danse est aussi une question que je pose au Québec, à un peuple qui vit davantage en sécurité et en liberté [...] : qu’est-ce qui alimente votre pulsion de vie et votre désir de combattre? »

 

« Nous savons que, si nous avons le luxe de nous placer à cet endroit de vraie vitalité aujourd’hui, c’est parce que d’autres avant nous, d’autres femmes notamment, ont mené des combats et ont farouchement résisté aux oppressions. Notre pièce est donc porteuse de l’héritage de ces femmes. »

 

IMPULSO raconte ce désir de vie, cette pulsion de danse, cet élan primitif et nécessaire du corps, qui persiste dans un contexte de confort. « Nous sommes à la recherche de la substance de cet élan vital, nous essayons de l’incarner et de le partager, et nous voulons que le public nous accompagne. »

 

Intense résidence

 

En dix jours de création bien comptés, il faut procéder avec méthode! Celle de Danza Descalza en est une d’alternance, chaque jour, entre le travail du corps et le travail de table.

 

Pour les artistes réunis dans une salle de répétition du sous-sol de la Place des Arts, le matin était le moment des échauffements et des improvisations. « Nous créons des séquences gestuelles et nous testons nos idées, explique Laurence Sabourin-Laflamme. Nous avions beaucoup de matériel créé préalablement, qu’il fallait mettre à l’épreuve. » L’après-midi, les chorégraphes visionnaient le travail enregistré le matin, prenaient des notes, puis restructuraient la chorégraphie et préparaient des séquences à retravailler le lendemain matin.

 

« C’est une période incubatrice pendant laquelle nous ouvrons beaucoup de portes, conclut la chorégraphe. Nous nous laissons surprendre par ce qui surgit. Dans un second temps, nous devrons élaguer et resserrer. Le squelette du spectacle nous apparaît déjà assez clairement. »

 

 

Si tout se déroule comme prévu, IMPULSO connaîtra une première représentation à Montréal en juin 2022, suivie d’une première en région quelques jours plus tard. Le collectif espère ensuite sillonner l’est du Québec et l’Ouest canadien, avant de mettre le cap sur la Colombie.

 

Le programme L’Art en soi, rendu possible grâce au soutien financier de la Fondation de la Place des Arts et ses partenaires, offre un appui aux artistes dans le but de faciliter la création et le déploiement d’œuvres originales. Les Résidences d’artistes procurent aux créateurs des conditions optimales d’exploration, d’expérimentation ou de production d’une œuvre, soit en salle de répétition ou de spectacle.

 

Crédit photo : Thibault Carron

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