Programme Art adapté : quand l’art traverse les écrans
Ce n’est pas une pandémie qui allait freiner le programme Art adapté de la Place des Arts! Des artistes-médiateurs continuent de propager les bienfaits de l’art à un public qui y a plus difficilement accès, maintenant sous la forme de quatre ateliers virtuels et d’une représentation par vidéo. Portrait d’un projet agile avec la chanteuse d’opéra et médiatrice Frédérique Drolet.
Depuis l’automne dernier, le duo formé par la chanteuse Frédérique Drolet et le musicien et médiateur Mohamed Ghoul, qui offre des ateliers de percussions et de voix, a réfléchi à la meilleure façon de transposer en ligne la magie de son processus de création avec les participants. Comment créer une chimie entre des personnes qui ne se connaissent pas nécessairement entre elles au départ et établir un climat de confiance pour qu’elles puissent sortir de leur zone de confort?
Réponse : en s’appuyant sur deux principes, la souplesse et le plaisir. « On se laisse un peu porter par ce qu’on reçoit des participants, résume Frédérique Drolet. Au début des quatre rencontres, on leur propose un plan de match, mais on reste très flexibles et ouverts à ce qu’ils ont envie de faire. Je pense que c’est pour ça que ça fonctionne vraiment bien : on atteint notre but quand même, soit d’utiliser la musique, les percussions et la voix pour créer un climat de confiance et un sentiment d’appartenance au groupe. »
C’est l’aspect technique de cette nouvelle formule qui a posé le plus de défis au duo d’artistes-médiateurs, qui a dû trouver comment utiliser l’application Zoom afin d’en faire non seulement un lieu de rassemblement, mais aussi de représentation. « Il nous a fallu plusieurs ateliers avant d’être rodés. »
« L’art adapté, ça pourrait faire référence à l’art, qui est adapté à des personnes qui ont des besoins précis, mais c’est plutôt à nous, les intervenants, les formateurs, les artistes, de nous adapter à d’autres réalités. C’est un défi qui m’anime beaucoup. »
S’adapter aux participants
« L’art adapté, ça pourrait faire référence à l’art, qui est adapté à des personnes qui ont des besoins précis, mais c’est plutôt à nous, les intervenants, les formateurs, les artistes, de nous adapter à d’autres réalités, expose la chanteuse. C’est un défi qui m’anime beaucoup. »
Les cinq groupes avec lesquels ont travaillé Frédérique Drolet et Mohamed Ghoul depuis l’automne ont rassemblé tantôt des personnes en processus de francisation, tantôt des personnes vivant avec des limitations visuelles, de l’anxiété ou une déficience intellectuelle.
De nombreux participants y avaient été amenés par l’Association multiethnique pour l’intégration des personnes handicapées. « Ç’a été génial de travailler avec eux, se remémore la chanteuse. On leur a proposé un gabarit d’histoire et on leur a demandé leurs idées sur les personnages. » Avec les suggestions des participants, les deux médiateurs ont créé une trame narrative et une chanson, laquelle figure à la fin de la vidéo. « Quand j’entends cette chanson-là, je trouve ça tellement touchant! C’est pratiquement juste les mots des participants. »
Des bénéfices insoupçonnés
Plus que les défis, Frédérique Drolet retient de son expérience de médiation en pleine pandémie les avantages qui se sont révélés en cours de route.
« On a besoin de ces programmes qui démocratisent l’art »
L’un deux a été l’élimination du stress que provoque une prestation devant public. La vidéo récapitulative, qui la remplace, intègre du matériel de toutes les séances et met l’accent sur le processus plutôt que sur le spectacle. Cette absence de pression été bénéfique : à l’une des participantes, d’abord réticente à l’idée de participer à la vidéo en raison de son anxiété, les ateliers ont donné « l’impression de sortir de chez elle, de rencontrer des gens dans un endroit sécuritaire », sans même quitter son domicile.
L’autre avantage indéniable a été l’abolition les distances géographiques, un aspect d’une valeur inestimable pour certains participants qui ont des limitations fonctionnelles ou qui vivent en région. « On a beau être tannés de Zoom après un an, c’est quand même un outil précieux », constate l’artiste et animatrice. L’un des groupes a ainsi rassemblé un Trifluvien, une Drummondvilloise et une Montréalaise, alors que les médiateurs eux-mêmes se trouvaient en Outaouais et en Abitibi!
« Je pense que grâce à l’utilisation de Zoom, on a développé des éléments qu’on ne pourrait pas [développer] en temps normal et qui n’auraient pas été possibles avant la pandémie », affirme Frédérique Drolet, heureuse que les ateliers de la Place des Arts aient atteint un public encore plus vaste. L’artiste nourrit d’ailleurs l’espoir que certaines de ces expérimentations s’intègrent à plus long terme dans le déploiement du programme Art adapté. « On a besoin de ces programmes qui démocratisent l’art », souligne-t-elle.