Se laisser porter par la fièvre de l’amok...
On ne ressort pas indemne de la lecture d’Amok de Stefan Zweig. Quand il a découvert la nouvelle du célèbre auteur autrichien, le jeune comédien français Alexis Moncorgé a lui aussi eu un coup de foudre.
L’amok, c’est cette folie meurtrière dont sont parfois frappés des opiomanes en Malaisie. Dans sa nouvelle parue en 1922, Stefan Zweig décrit de façon mécanique, quasi clinique, les pulsions refoulées, les passions morbides, les instincts masochistes et les fureurs les plus destructrices.
Un secret lourd à porter
Amok ou le fou de Malaisie raconte l’histoire d’un homme qui rencontre un inconnu une nuit sur le pont d’un bateau en partance d’Asie pour l’Europe. Ce dernier a un secret trop lourd à porter. Entre minuit et trois heures du matin, dans la langueur moite de la traversée, l’inconnu raconte son histoire. Celle qui l’a fait basculer vers l’amok.
L’inconnu est médecin. Il fuit la Malaisie où il a travaillé plusieurs années. Dans son récit, il est question d’une belle et mystérieuse femme, de mort, de passion, de folie, de remords. Le narrateur entraîne le lecteur dans un monologue fiévreux qui semble mener vers une seule et fatale issue.
Une pièce qui a bouleversé la carrière d’Alexis Moncorgé
Fasciné par cette lente et sombre confession, Alexis Moncorgé a décidé de porter le texte au théâtre. Pour ce faire, il y a mis toutes ses économies et toute son énergie.
Adapté cinq fois pour le cinéma et plusieurs fois au théâtre, Amok n’est pas une nouveauté. L’adaptation de Moncorgé est cependant exceptionnelle à plus d’un titre.
Alexis Moncorgé a d’abord monté le texte de Zweig sur la scène du Théâtre de poche Montparnasse à Paris. Applaudie par la critique, la pièce a connu un succès immédiat. Après de nombreuses supplémentaires, des représentations au festival off d’Avignon et une tournée en France, Alexis Moncorgé vient présenter Amok pour quatre représentations en février 2018 à la Cinquième Salle de la Place des Arts.
Pour Amok, le jeune homme reconnaît en mai 2017 dans le journal Ouest France qu’il y a beaucoup de premières fois. C’est sa première adaptation, sa première production… Ce sera aussi sa première reconnaissance, puisque son rôle lui vaut le Molière 2016 de la révélation masculine de l’année.
Seul sur scène, entre l’ombre et la lumière, Alexis Moncorgé joue de façon magistrale. Avec charisme et fébrilité, il est imprégné par l’amok. Il faut dire que le comédien puise sa force de jeu dans d’illustres racines.
Le petit-fils de Jean Gabin
Pour la petite histoire, Jean Gabin, monument du cinéma français, immortel interprète de Quai des Brumes, de La Grande Illusion et de Touchez pas au Grisbi, est le grand-père d’Alexis Moncorgé. Et si ce dernier ne lui ressemble pas du tout physiquement, il tire peut-être de son aïeul, qu’il n’a pas connu, son charisme et la puissance de son jeu.
Par contre, Alexis Moncorgé n’a jamais voulu profiter de la chance d’être « le petit-fils de… »
« J’ai travaillé dans des bars pour payer mes cours et mon loyer. J’ai trimé !a-t-il confié au magazine Point de vue en 2016. Je vous assure que rien ne m’a été donné. Aucun passe-droit. » Il a en effet dû se débrouiller tout seul quand il est arrivé à Paris avec son rêve de devenir comédien...
Le jeune espoir de 29 ans ne renie pas ses racines. Il s’est cependant forgé un nom tout seul, loin de son grand-père décédé 10 ans avant sa naissance.
Alexis Moncorgé a grandi loin de Paris, au milieu des chevaux que ses parents élevaient dans l’Orne, mais le brio de Jean Gabin coulait dans ses veines. Avec son interprétation d’Amok, Alexis prouve qu’il a du talent et qu’il peut se faire un nom par lui-même.
Amok est présenté du 22 au 25 février à la Cinquième Salle.