Katia-Marie Germain : un monde en couleurs
Crédit photo : Thibault Carron
Crédit photo : Thibault Carron
Philippe Couture - 17 mars 2021

En résidence – Katia-Marie Germain : un monde en couleurs

Créatrice d’une danse minimaliste et subtile, qui entrecroise sans hiérarchie les codes de l’art visuel et une gestuelle chorégraphique épurée, Katia-Marie Germain invente en résidence à la Place des Arts le deuxième volet de son projet Chambres, entamé en 2018. Plongée dans son processus de création.

 

 

Ni tout à fait danse, ni tout à fait art visuel, et de plus en plus teinté d’art vidéographique et d’une forme de théâtralité contemplative, le travail de Katia-Marie Germain est pour ainsi dire inclassable. Délicatement et patiemment, la danseuse et chorégraphe érige avec son projet Chambres un univers tissé de couleurs vives et de matérialité. Au moyen d’une gestuelle simple et répétitive dans un univers scénographique pictural, ses spectacles racontent une certaine chevauchée des époques, ou disent comment le temps traverse la vie d’une femme en y imprimant des textures, des ambiances et d’innombrables traces de vécu.

 

Jouer avec les couleurs

Cette esthétique a été façonnée naturellement par l’artiste au terme d’un parcours universitaire au confluent des arts plastiques et de la danse. « D’abord formée aux arts visuels, j’ai nécessairement intégré des notions de composition picturale à mes travaux quand je suis arrivée à la maîtrise en danse quelques années plus tard, explique-t-elle. Ça se matérialise de façon néanmoins un peu abstraite dans mon travail, où j’aime créer des environnements scéniques immergés dans des couleurs vives qui changent de teinte peu à peu, et où je travaille avec des matériaux divers dont j’aime questionner les effets, comprendre ce qu’ils nous font percevoir et ressentir. »

 

 

Dans la salle de répétition de la Place des Arts où elle s’est installée pour deux semaines, elle a placé des projecteurs vidéo qui inondent les murs de rouge vif ou de bleu électrique. Elle retravaille d’abord le premier cycle de Chambres, une chorégraphie qu’elle a interprétée elle-même en 2018 et qu’elle transmet aujourd’hui à une nouvelle interprète, histoire de varier les perspectives. La danseuse Gabrielle Surprenant-Lacasse exécute une partition de gestes lents et délicats, pliant et dépliant du linge en prenant appui sur une petite table. Tout est dans la précision et dans le plaisir du micromouvement.

 

« Je demande à Gabrielle de tenter de mesurer les effets de la couleur sur ses perceptions et ses sensations, explique Katia-Marie Germain. C’est aussi l’expérience sensorielle et émotive qu’on espère faire vivre au spectateur, dans une série de jeux de perception et de contemplation qui nous font aussi traverser une certaine dramaturgie. En quelque sorte, l’histoire d’une femme qui parcourt différentes temporalités… »

 

 

Pas de narration au sens classique du terme, certes. La chorégraphe ne veut pas insister sur une histoire trop précise, préférant laisser ouverts les canaux de l’interprétation. Mais, petit à petit, le spectateur pourra y voir des « attitudes associées au féminin dans l’histoire » ou s’intéresser à la question de « l’intimité au féminin ».

 

D’une chambre à l’autre

Après ces « réapprivoisements » de la première chambre, Katia-Marie Germain profite de sa résidence à la Place des Arts pour entamer la création d’une deuxième chambre, en compagnie d’une autre interprète, Lucie Vigneault, sous le regard avisé de la conseillère artistique Ginelle Chagnon.

« Je réutilise un parcours similaire de couleurs, dévoile la chorégraphe. C’est comme un point de vue décalé sur la même action ou sur une action semblable, à travers une différente perspective. Les deux chambres vont se ressembler, mais aussi se dissocier par toutes sortes de petits détails, et parce que l’interprète y injecte sa propre sensibilité. »

 

 

Un peu comme le peintre jouant avec les perspectives, Katia-Marie Germain déplace l’angle et le cadrage. « Mais, précise-t-elle, on le fait de façon brouillée, en s’amusant à causer des décalages dans les perceptions, en créant des ellipses. »

 

Il y aura ensuite probablement d’autres chambres. D’autres perspectives. D’autres sensorialités explorées. « J’aimerais que ce projet, en plusieurs chambres, soit à terme une sorte de tableau vivant démultiplié et déplaçable en plusieurs lieux. Qu’on puisse le faire vivre dans différents contextes, en salle, en plein air, dans les musées. On verra bien ! »

 

Avec Katia-Marie Germain, l’œuvre se redessine à chaque nouvelle représentation.

 

Le programme L'Art en soi, rendu possible grâce au soutien financier de la Fondation de la Place des Arts et ses partenaires, offre un appui aux artistes dans un but de faciliter la création et le déploiement d’œuvres originales. Les Résidences d'artistes procurent aux créateurs des conditions optimales d'exploration, d'expérimentation ou de production d'une œuvre, soit en salle de répétition ou de spectacle.

 

Crédit photo : Thibault Carron

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