Whitehorse chez Duceppe : de la planche à la scène grâce au web
La bande dessinée s’invite chez Duceppe avec une adaptation théâtrale de Whitehorse, de Samuel Cantin. L’auteur a lui-même participé à la transposition de sa BD pour la scène, tout comme Guillaume Laurin et Sébastien Tessier, deux des acteurs principaux de la pièce.
À l’issue d’un laboratoire de création chez Duceppe qui se terminait la semaine dernière, le public pourra voir du 15 au 20 mars 2021 une mise en lecture de cette version théâtrale de l’œuvre. Elle sera incarnée par une impressionnante brochette d’interprètes et diffusée sur le web.
Aborder le cinéma par le théâtre
« C’était intéressant de monter un spectacle qui parle de cinéma, qui le critique et qui en rit un peu, mais au théâtre », explique Guillaume Laurin, qui est également cofondateur de la compagnie de production Couronne Nord, à qui l’on doit Jusqu’au déclin, le premier long métrage Netflix québécois. Guillaume Laurin et Sébastien Tessier ont trouvé en Samuel Cantin, le créateur de Whitehorse, un allié enthousiaste. C’est en trio qu’ils se sont lancés dans l’adaptation.
Laboratoire. Crédit photo : Danny Taillon
La transformation s’avère importante, tout en étant fidèle à l’humour décalé de la BD originale. « On a basé la structure narrative sur le premier tome. Le spectacle se termine quand ils s’en vont en tournage à Whitehorse », précise Guillaume Laurin. Certaines scènes du deuxième tome ont néanmoins été incorporées au récit, afin de témoigner de l’évolution des relations dans le triangle amoureux que forment Henri, l’antihéros angoissé et jaloux qui rêve d’être un artiste, Laura, sa copine, et Sylvain Pastrami, un réalisateur à succès imbu de lui-même.
Passer de deux à trois dimensions
Les personnages féminins de Whitehorse ont particulièrement bénéficié de cette adaptation, où ils gagnent en substance et en subtilité. L’apport de l’actrice et autrice Catherine Chabot, qui a agi en tant que conseillère dramaturgique, n’y est pas étranger : « C’était vraiment intéressant de parler avec elle de tous les enjeux féminins et des rapports de force », estime Guillaume Laurin.
L’incarnation scénique de Whitehorse porte ainsi la marque de la prise de conscience qu’a engendrée le mouvement #moiaussi. « Je pense que quand la BD a été écrite, en 2015, c’était moins évident d’aborder la toxicité de manière aussi directe, même si on la sentait sous le couvert de la jalousie et de l’ego, poursuit celui qui interprète le réalisateur mégalomane Sylvain Pastrami. L’idée, cette fois, était d’aller plus loin en ce sens. »
Captation. Crédit photo : Danny Taillon
La partition de l’humour
Le rythme joue un rôle capital dans l’adaptation de Whitehorse, qui dure 80 minutes. En plus de rassembler une distribution étoilée, qui comprend notamment Charlotte Aubin, Marie Brassard, Éric Bernier et Sonia Cordeau, l’équipe a fait appel à Simon Lacroix pour la mise en scène.
Captation. Crédit photo : Danny Taillon
L’acteur, qui participe à deux autres projets de Duceppe cette saison-ci (Pétrole et L’amour est un dumpling, qui sera lui aussi webdiffusé à la fin mars), a une compréhension fine des mécanismes de l’humour. « Dans la comédie, j’adore lorsqu’on ne joue pas la comédie, mais plutôt de vrais personnages dans des situations comiques, explique Simon Lacroix. Il y a beaucoup de blagues dans le texte et je trouve infiniment plus drôle de ne pas appuyer dessus. »
Le metteur en scène a aussi travaillé le rythme. Il a réalisé de nombreuses coupes dans le texte pour le dynamiser et a orchestré tant les répliques que les silences avec une précision chirurgicale.
Soutenir la création par tous les moyens
Alors qu’aucune date de reprise des spectacles en salle n’est annoncée en zone rouge, Duceppe a mis sur pied cinq laboratoires de création cet hiver. « On a essayé de trouver du positif dans cette situation extrêmement négative et d’en faire une aventure, souligne David Laurin, codirecteur artistique de Duceppe. On voit les bienfaits qu’un laboratoire de création peut avoir sur des projets en gestation. »
Whitehorse a bénéficié d’une vingtaine d’heures de laboratoire dans la Cinquième Salle de la Place des Arts. L’équipe en a profité pour affiner le texte et le jeu des acteurs en vue de la mise en lecture. « Cette démarche est très utile pour tester le projet », dit Jean-Simon Traversy, également codirecteur artistique de Duceppe.
Laboratoire. Crédit photo : Danny Taillon
« On a essayé de trouver du positif dans cette situation extrêmement négative et d’en faire une aventure. On voit les bienfaits qu’un laboratoire de création peut avoir sur des projets en gestation. »
Réfléchir à la transmission
En cette période où l’accès aux arts vivants passe par l’écran, les théâtres s’interrogent sur la meilleure façon de diffuser leurs œuvres. « On n’a pas nécessairement la bonne réponse — je ne crois pas qu’un théâtre l’ait trouvée —, mais on est en train d’explorer ce nouveau médium », dit David Laurin.
« Moi qui viens davantage du cinéma, je loue les vertus du montage », admet Guillaume Laurin. « L’équipe de Duceppe a été super généreuse : elle nous a permis de faire la captation dont on avait envie, avec sept caméras, dans le but de dynamiser le montage et de construire un langage plus narratif. »
Le résultat s’annonce hybride : les acteurs occuperont un espace transformé par les dessins de Samuel Cantin, qui endossera également le rôle du narrateur. « On avait envie de sentir le côté BD dans la lecture et la captation », explique-t-il.
Captation. Crédit photo : Danny Taillon
La comédie comme rayon d’espoir
Avec cette œuvre basée sur un texte irrévérencieux, que souhaitent transmettre les créateurs au public ? « J’espère qu’ils éclateront de rire, reconnaît sans détour Guillaume Laurin. J’aimerais que les gens ressentent le plaisir que nous avons eu à répéter une comédie en pleine pandémie ; qu’ils savourent à quel point ça fait du bien de rire un bon coup. »
Duceppe présentera Whitehorse en webdiffusion du 15 au 20 mars 2021.