Voïvod symphonique : une prodigieuse carrière métal en sept chansons avec Michel Langevin
Formation mythique de métal québécois, Voïvod est vénéré partout dans le monde par les amateurs du genre et par des mélomanes qui chérissent la virtuosité de ses guitares hurlantes. Le répertoire du groupe, qui emprunte bien souvent des codes à la musique classique, se prête aisément à des réinterprétations symphoniques. La cheffe d’orchestre Dina Gilbert se lance dans l’aventure avec l’OSM et les membres actuels de Voïvod (Michel Langevin, Denis Bélanger, Daniel Mongrain et Dominic Laroche), qui fouleront la scène avec les musiciens de l’orchestre en janvier 2025.
Ça va sonner comme une tonne de briques, et les fans trépignent d’impatience à l’idée de savourer les versions augmentées de leurs chansons : des adaptations signées Hugo Bégin.
On profite de l’occasion pour évoquer avec Michel Langevin quelques titres emblématiques de leur univers singulier.
Astronomy Domine : l’univers de Voïvod est marqué par la science-fiction. Quelle est votre vision de l’espace et comment influence-t-elle votre musique ?
Michel Langevin : Dès mon enfance, j’ai été fasciné par la science-fiction. Des auteurs comme Philip K. Dick et des œuvres comme Métal hurlant ont profondément influencé notre esthétique. L’espace, pour moi, au-delà de ce que regroupe l’astronomie en tant que telle, c’est surtout une permission de voir encore plus loin, se permettre de s’ouvrir à toutes sortes de mondes parallèles, un territoire infini à explorer, et ça nourrit notre univers sonore et visuel.
Into My Hypercube : pourquoi raconter un futur apocalyptique? Est-ce une façon de s’en prémunir?
M. L. : Nos visions de dystopie datent d’il y a longtemps. Métal hurlant, encore une fois, et des œuvres comme La Planète des singes m’ont influencé. On s’est toujours intéressés aux scénarios sombres. Imaginer un futur inquiétant est une manière de protester contre la technologie militaire et les menaces environnementales, et une façon aussi d’exorciser ces craintes. Notre discours n’est jamais purement dénonciateur, mais l’anticipation de ces mondes futuristes invite nos jeunes fans à réfléchir à ces questions.
Killing Technology : depuis vos débuts dans les années 1980, votre œuvre évoque les avancées technologiques. Aujourd’hui, à votre avis, faut-il se méfier de l’intelligence artificielle ?
M. L. : Il faut garder un esprit critique, c’est certain. Mais l’IA, on doit composer avec. Depuis quelques années, on l’utilise pour certaines vidéos de Voïvod, et elle m’aide aussi pour mes dessins, mais il faut rester prudent. Il y a des questions d’éthique, surtout quand l’IA utilise les œuvres d’autres artistes. Personnellement, je la considère comme un outil, mais jamais comme un substitut à notre créativité humaine.
Ripping Headaches : quels ont été les moments les plus durs de votre carrière, où vous avez vraiment eu l’impression de vous battre contre des « ripping headaches »?
M. L. : Certains moments ont été particulièrement éprouvants, comme l’accident en Europe, où notre van a fait cinq tonneaux et où notre chanteur de l’époque, Eric Forrest, a été gravement blessé. On a failli tout abandonner après ça. Il y a aussi eu le décès de notre guitariste, Denis « Piggy » D’Amour, en 2005, une période de grande incertitude où on ne savait plus si on voulait continuer. C’était une grande perte. Denis était un guitariste hors norme, exceptionnel, très inventif.
The Prow : si vous deviez comparer votre parcours musical à une traversée, quels ont été les moments où vous avez bénéficié de vents favorables?
M. L. : L’année 1990, avec l’album Nothingface, a été incroyable. On jouait sur MTV, et ça nous a permis de partir en tournée avec des groupes comme Rush, Soundgarden et Faith No More. Un autre moment fort, c’est l’arrivée de Jason Newsted [ex-Metallica] au début des années 2000. On a alors eu la chance d’ouvrir pour Ozzy Osbourne. C’était exceptionnel.
Clouds in My House : comment gérez-vous les moments où des nuages viennent troubler votre vision artistique?
M. L. : Pour moi, la batterie a toujours été un exutoire. Jouer me permet d’évacuer le stress et l’anxiété. En parallèle, je dessine aussi, ce qui m’aide à garder un équilibre. C’est paradoxal, mais dessiner des univers sombres et dystopiques m’apaise. En résumé, pour Voïvod, l’art est absolument thérapeutique. Pour calmer les anxiétés causées par le monde dans lequel on vit, on fait de la musique! Et ça marche!
Panorama : comment décririez-vous le panorama de la scène métal aujourd’hui par rapport à vos débuts?
M. L. : Tout a changé! À l’époque, pour se faire connaître, il fallait passer par les fanzines, des petits magazines photocopiés qu’on s’envoyait par la poste. Aujourd’hui, tout est instantané, mais ça rend aussi les choses plus compliquées pour les nouveaux groupes. La concurrence est rude. Cela dit, il reste une solide scène métal, et c’est encourageant.
Au-delà de ses riffs acérés et de ses rythmes ravageurs, Voïvod incarne un univers où l’art et la technologie se croisent, où les luttes personnelles et collectives deviennent des hymnes. Parions qu’en version symphonique, Voïvod nous invitera encore davantage à repenser l’avenir, à remettre en question les systèmes et à découvrir de nouvelles dimensions.