Sophie Lepage - 37e AVENUE - 4 avril 2017

Tinariwen : au carrefour des traditions musicales

En mixant les riffs de guitare électrique aux percussions et chants traditionnels du Sahara, le groupe Tinariwen a popularisé un genre : le blues touareg. Incursion aux racines de leur inspiration.

Les membres de Tinariwen ont appris à jouer de la guitare électrique dans le désert. Déjà, c’est un défi. Comment se brancher ? Ils se sont débrouillés avec de petits amplis à piles et des batteries d’automobiles. La guitare électrique avait alors été adoptée pour des raisons pratiques : elle résiste mieux au climat du Sahara que la guitare acoustique.

Ils ne connaissaient rien à la musique américaine avant de se faire coller l’étiquette d’ambassadeurs du blues touareg. « Les ressemblances qui existent entre notre musique et le blues sont vraiment fortuites. C’est venu par hasard, parce que nous, dans notre vie, dans notre culture, on s’intéresse vraiment aux choses calmes, au silence. C’est ce qui nous a amené à faire une musique douce, qui ressemble au blues. » (Abdallah, RFI, 2004). Ils ont donc transposé sur des guitares électriques les mélodies qu’ils jouaient déjà sur des instruments traditionnels, tout simplement. Si on cherche la véritable influence de Tinariwen, c’est du côté de la musique traditionnelle qu’il faut regarder (tindé, imzad), et de celui des artistes arabes et africains (Ali Farka Touré, Nass el Ghiwane, Farid el Atrache).

Le son du désert

Mais c’est en fait le désert qui nourrit le plus la musique de ces nomades du Sahara. « S’il fallait résumer notre son, nous pourrions dire que le rythme des percussions s’inspire de la démarche du chameau… Dans la tradition du tindé, on fait danser les chameaux. C’est ce rythme lancinant qui caractérise notre musique », expliquaient le bassiste Eyadou ag Leche et le guitariste-chanteur Abdallah ag Alhousseyni au quotidien Libération en 2014.

Si les éléments du désert inspirent leur créativité, le contexte politique dans lequel ils y vivent les interpelle également. La région a souvent été instable (le groupe s’est formé pendant la résistance au gouvernement malien au début des années 1980), et depuis cinq ans, elle est dévastée par des conflits. Tinariwen, en exil forcé, chante l’espoir que leur terre vive des jours meilleurs.

Ambassadeurs des Touaregs

Le collectif Tinariwen existe depuis trente ans déjà. Trois générations de musiciens s’y côtoient, les plus jeunes emmenant avec eux de nouvelles énergies et influences. Malgré la différence d’âge, chacun des membres est habité par la même source culturelle. Le groupe conserve une identité forte lui permettant de transcender les frontières. C’est l’album Amassakoul, sorti en 2004, qui les a amenés à parcourir le monde. Ils ont ensuite collaboré avec des vedettes rock, comme Robert Plant, Carlos Santana ou les Red Hot Chili Peppers. Le tout, sans jamais travestir leur identité : ils continuent d’offrir leurs spectacles vêtus de chèches et de turbans traditionnels.

C’est avec huit albums et un Grammy en poche que les musiciens de Tinariwen se posent le 13 avril à la Place des arts. Ils y partageront les compositions de leur dernier album, Elwan. Ils y feront vivre l’âme de leur Sahara natal, avec ses rythmes lancinants qui accompagnent l’itinéraire des nomades…

Tinariwen, à la Place des Arts, le jeudi 13 avril 2017.

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