Patrick Norman : Si on y allait pour une surprise symphonique?
L’Orchestre symphonique de Montréal (OSM) soulignera les 55 ans de carrière de Patrick Norman en lui offrant une expérience symphonique. Un autre beau cadeau de la vie pour l’auteur-compositeur-interprète qui s’offre à lui. Parcourons ses grands moments de joie, chanson par chanson!
Chanter pour rien : est-ce que Patrick Norman le chanteur aurait pu exister sans le guitariste?
Il y a des violonistes et des violoneux, moi je me considère comme un « guitareux ». J’ai un style à moi, mais j’ai surtout énormément de bonheur et de plaisir à jouer, et je pense que c’est ce que les gens aiment de moi. C’est le guitariste qui est arrivé en premier; je suis devenu chanteur par la force des choses. Dans les années 60, j’étais dans un groupe qui s’appelait Les élégants. Initialement, j’étais le guitariste et je poussais une chanson de temps à autre. Mais, quand notre chanteur attitré, Claude Lacombe, est tombé malade, j’ai pris la relève pour que le groupe puisse continuer.
Papillon : c’est la chanson qui a permis à votre carrière de prendre son envol. Comment se sont passés vos débuts en musique?
Yvon Ethier a revêtu l’habit de Patrick Normand en 1969 pour entrer dans le showbiz; j’avais alors un sentiment d’imposteur qui me faisait conserver un emploi de jour. Mon premier succès a été Mon cœur est à toi. Ensuite, il y a eu Papillon en 1974, chanson-titre du film du même nom avec Steve McQueen et Dustin Hoffman. L’étiquette RCA, qui avait obtenu les droits, m’avait demandé d’en être l’interprète, comme j’enregistrais déjà avec eux. C’est une chanson extraordinaire que j’ai enregistrée en anglais, en français et en espagnol. Elle a fait le tour du monde avec le film. C’est seulement après, en 1976, que je me suis offert le luxe d’essayer de vivre de ma passion – et j’en vis toujours aujourd’hui.
Quand on est en amour : votre hymne. Avez-vous toujours du plaisir à la jouer?
Tout à fait puisque je suis toujours en accord avec le message qu’elle véhicule. Quand tu vois le sourire des gens qui la reçoivent en spectacle, tu sais que ça leur rappelle beaucoup de choses. Pour les plus jeunes, ce sont des souvenirs d’enfance, pour les moins jeunes, ceux d’un autre temps. Elle a su rendre les gens heureux à travers les époques – c’est ma plus belle récompense qui remplace n’importe quel trophée!
Cette chanson a connu un succès qui a dépassé les frontières et qui s’est même rendue jusqu’au Rwanda. Est-ce exact?
Michel Mpambara est le premier qui m’en a parlé il y a plus de 20 ans. Il m’a dit : « Patrick, sais-tu que tu es une grande vedette dans mon pays? Les gens chantent tes chansons dans les autobus! » Ensuite, j’ai reçu un courriel d’une dame en mission humanitaire à Kigali, me rapportant qu’elle avait entendu ma chanson dans une boutique. Quelques années plus tard, j’étais dans un restaurant et une dame africaine m’a salué, émotive. Elle m’a raconté qu’au moment du génocide rwandais, elle s’était cachée pour échapper à la mort et chantait Quand on est en amour dans sa tête pour se calmer. Ce genre d’histoire transcende le show-business, c’est profondément humain! On ignore parfois à quel point des gens ont pu trouver du réconfort à travers nos créations, même dans les pires situations qui soient. De là est née l’idée du documentaire Patrick Norman au Rwanda – Le devoir de mémoire, de Charles Domingue. C’est le peuple le plus bienveillant que j’ai rencontré!
Vieillir ensemble : comment votre public a-t-il évolué au fil du temps?
Comme moi, il a vieilli, il a eu des enfants et des petits-enfants, mais il a continué à écouter ma musique; il s’est donc renouvelé de lui-même. J’étais en spectacle à Saint-Eustache il y a quelques jours, et une petite fille d’environ 10 ans est venue me voir pour me dire que j’étais son chanteur préféré et qu’elle connaissait toutes mes chansons. Je me trouve chanceux de pouvoir encore vivre ça à mon âge… Les longues carrières sont tellement rares de nos jours!
À chaque spectacle, je dis au public à quel point je n’ai jamais été aussi heureux que maintenant, à 77 ans. Et je lui propose d’être heureux ensemble en entamant Si on y allait. Il s’agit de la chanson-titre de mon dernier album, qui illustre parfaitement mon bonheur actuel, d’autant plus que c’est un duo avec mon amoureuse, Nathalie, qui sera avec l’OSM et moi en mai.
Toi qui rêves : un spectacle symphonique constituait-il un rêve pour vous?
C’est toute une aventure! C’est une autre technique aussi, puisque c’est le chef d’orchestre qui conduit le tempo, au lieu du batteur d’un groupe composé de quelques musiciens. Il me faut de la concentration pour éviter de sauter un temps. C’est un peu stressant, mais j’attends avec impatience ce moment où je pourrai m’immerger dans la musique et l’écouter au maximum. Les défis, ça me fait sentir vivant!
Je serai toujours là : ce spectacle fait pourtant partie d’une tournée d’adieu…
Ça, c’est à cause de la pandémie qui a tout reporté de deux ans, mais moi, j’ai continué à vieillir! J’ai calculé que j’allais avoir plus de 80 ans lorsque celle-ci finira. J’ignore si j’aurai l’énergie d’en créer une autre… Et la pandémie m’a appris à être bien chez moi. Je me suis bâti un beau studio d’enregistrement où je peux travailler sur des chansons. D’ici la fin de ma carrière, que j’anticipe comme le plus gros deuil de ma vie, je ferai toujours de la musique – ça fait partie de mon ADN, mais je vais prendre le temps.
Maintenant, je sais : qu’est-ce que 55 ans de carrière vous auront appris?
J’aurais seulement dû me faire confiance plus tôt, mais je ne serais peut-être pas là où je suis aujourd’hui. Ce n’est pas la souffrance qui est nécessaire pour créer, mais le vécu. Il y a des leçons dans tout et on a plus de ressources intérieures que l’on pense!
Saluez vous aussi les 55 ans de carrière de Patrick Norman avec l'OSM du 21 au 23 mai prochain!