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Michel Lemieux
Louise Edith Vignola - 27 octobre 2023

Michel Lemieux : tout est dans la lumière!

Que ce soit par l’exposition créée par PHI ou par l’expérience de réalité augmentée INSITU sur l’Esplanade et devant divers lieux culturels de Montréal, plusieurs occasions d’entrer en contact avec les dernières créations de l’artiste multidisciplinaire Michel Lemieux s’offrent à nous ces jours-ci à la Place des Arts. Rencontre avec ce pionnier du numérique. 

 

Lors de vos études en théâtre en 1979, saviez-vous déjà que vous seriez un artiste multidisciplinaire?  

 

Michel Lemieux : Dès l'enfance, je faisais de la photographie et des spectacles. À l’époque, j’utilisais des lampes de poche, des magnétophones à cassettes, des projecteurs de diapositives. J’ai toujours eu ce désir de jouer avec la technologie et cette fascination que j'ai pour la lumière. J’ai commencé à parler de multidisciplinarité au début des années 80 et les gens me regardaient comme un extraterrestre. La meilleure définition de la multidisciplinarité pour moi, c'est une multiplication entre différentes formes d’art, comme le théâtre, la musique, la danse, le cinéma, les arts visuels. 

 

La technologie évolue tellement vite, comment fait-on pour rester à l'avant-garde ?  

 

M.L. Il faut rester soi-même et être curieux! J'ai toujours été un peu à l'avant-garde de l’utilisation des technologies dans le but de les détourner et de les maîtriser tellement qu’on ne les voit plus et que ce soit uniquement l'expression qui en ressort. Ce n’est pas toujours évident, surtout avec l'arrivée de l'intelligence artificielle qui questionne beaucoup la place de l'artiste dans la société.

 

L'intelligence artificielle se sert de toutes les créations déjà existantes pour générer un nouveau contenu. Mais s’il n’y a plus d’artistes humains qui créent à la base, à un moment donné, qu’est-ce qui se fera de nouveau? Et il n’y aura plus d’art vivant? Il y a une nécessité de trouver une brèche dans l'intelligence artificielle pour utiliser cet outil sans qu'il ne nous utilise. Je pense que c'est un défi extraordinaire qui s'ouvre à nous! 

 

Quel est votre lien avec la Place des Arts ? 

 

M.L. J'étais tout jeune en 1963 à son ouverture, donc la Place des Arts a toujours fait partie de ma vie!

 

Mon premier spectacle, Solid Salad, qui a d’abord été présenté au Spectrum, ensuite partout sur planète pendant presque trois ans, s’est conclu au Théâtre Maisonneuve. C'était ma première Place des Arts au début des années 80. Plus tard, il y a eu NORMAN, créé pour la Cinquième Salle, qui a aussi tourné à travers le monde pendant une dizaine d'années. Ç’a été un spectacle phare dans ma carrière et celle de Victor Pilon. Ensuite, on s'est retrouvés à la Salle Wilfrid-Pelletier pour faire Starmania Opéra, un des grands succès publics de l'Opéra de Montréal. Avec les 7 Doigts, on a aussi créé Temporel à la Cinquième Salle.

 

Sans oublier tout ce qu’on a fait autour de la Place des Arts. L’installation Ceci est une sphère, le dernier spectacle du groupe Uzeb, Continuum et le spectacle Soleil de minuit, qui célébrait le 25e anniversaire du Festival international de Jazz de Montréal et le 20e anniversaire du Cirque du Soleil, avec 3 400 performeurs devant une foule record.

 

Édouard Lock et vous partagez l’affiche d'une exposition intitulée Pionniers numériques. Quelle est l'expérience proposée aux visiteurs? 

 

 

M.L. Édouard présente son dernier court-métrage sur écran, et moi, je présente trois films en réalité virtuelle, avec casque.

 

Icarus est basé sur une pièce qu'on a faite au TNM, qui s'appelait Icare, écrit par Olivier Kemeid. On a repris des bribes d'histoire pour en faire une réalité virtuelle à la première personne, donc tu deviens Icare. 

 

Intouché « Untouch » est un film que j'ai fait au cœur de la pandémie, seul dans mon atelier à la campagne. On était isolés les uns des autres, sans contact physique. Quand je regarde ce film aujourd'hui, je me dis que ce n’est toujours pas revenu comme avant, que cette distance hygiénique, mais malheureusement pas chaleureuse, existe encore un peu. 

 

Invisible, qui met en scène le père de mon collègue Victor Pilon, parle de cette idée que plus on vieillit, plus on devient invisible, surtout dans notre société. Avant, les vieux faisaient partie de la famille, ils étaient importants. Maintenant, on les case, ils deviennent carrément invisibles et ça s’est amplifié durant la pandémie. 

 

Autant dans Intouché qu’Invisible, je trouvais intéressant de jouer sur la bulle des gens, surtout dans un moment pandémique, alors tout se passe très près du spectateur. 

 

Décrivez-nous votre autre projet, INSITU

 

 

M.L. Celui-ci est un projet de réalité augmentée pour téléphone. C'est un parcours urbain qui nous fait marcher dans le centre-ville pour découvrir 24 projets artistiques en réalité augmentée, réalisées avec la participation de 17 institutions culturelles. Ce projet a aussi été écrit en pleine pandémie, alors qu’on avait cruellement besoin d’art et que tout était fermé. 

 

On s’est demandé ce qui était possible de filmer, quels répertoires, quels acteurs ou danseurs étaient disponibles. J'ai eu accès à plein de vidéos et j'en ai choisi des parties. Alexandre Goyette a même réécrit une scène de la pièce King Dave pour qu’elle soit plus courte! 

 

Le téléphone nous guide sur une carte vers des pastilles disposées au sol. À l’extérieur de la Place des Arts, Elisapie est là, nous regarde dans les yeux et chante juste pour nous, accompagnée de musiciens. On peut s'approcher d’elle, comme si on se promenait sur scène. Avec des écouteurs ou un iPad, l'expérience est vraiment forte! 

 

Quelles sont les différences entre créer une réalité virtuelle ou une réalité augmentée? 

 

M.L. Les techniques de tournage sont complètement différentes. Pour INSITU, je voulais voir Anglesh Major jouer King Dave, pas un avatar. On a donc utilisé un mélange de techniques, comme je le fais pour tous mes projets. C'est toujours un « patentage » numérique pour créer une illusion de présence.  

 

La réalité augmentée, c'est plus comme du réalisme magique, c'est-à-dire qu’on regarde la réalité à travers un téléphone, comme une photo sur laquelle on ajoute une touche de magie. Exemple, quand Elisapie chante en inuktitut, « tu ne pourras jamais être aussi libre qu'un flocon de neige », il se met à neiger. Ça peut être surprenant en plein mois de juillet! 

 

La réalité virtuelle (VR), ce n'est pas la même grammaire du cinéma, il faut créer un espace dans lequel le spectateur se trouve, c’est donc plus près des arts de la scène. Ça nous plonge dans des espaces complètement immersifs, c'est comme un rêve fabriqué. Dans mon prochain VR, je souhaite développer davantage l’interactivité, pour aller beaucoup plus loin et permettre au spectateur d’agir sur le rêve, d’être dans l’action.

 

Mon travail se situe dans l'interconnexion entre réalité et imaginaire, toujours en mettant en scène des humains. 

 

Quels sont les thèmes récurrents pour Michel Lemieux?

 

M.L. Mes créations parlent toujours de vulnérabilité, de dépassement de soi, de l’importance de la mémoire et de la bienveillance dans notre vie. Aussi, dans toutes les œuvres que j'ai faites, avec Victor Pilon ou en solo, il y a de la lumière, souvent en clair-obscur. Parce que, pour moi, la lumière est une porte entre le monde visible et invisible, qui peut se créer autant à l'aide d'une lampe de poche que d’un projecteur vidéo ultrasophistiqué permettant de projeter sur une falaise dans Charlevoix!   

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