Loui Mauffette signe une nouvelle œuvre festive et poétique
Entre Loui Mauffette et la Place des Arts, c’est l’amour fou. Après avoir présenté pendant 10 années consécutives son spectacle Poésie, sandwichs et autres soirs qui penchent, il offre une autre œuvre festive et poétique sur l’enfance, intitulée Chansons pour filles et garçons perdus.
C’est un cadeau inespéré. Pour seulement quelques soirées au printemps 2019, la Cinquième Salle recevra ce spectacle conçu pour le 50e anniversaire du Centre du Théâtre d’Aujourd’hui. Impossible pour Loui Mauffette de ne pas jouer sa nouvelle « stonerie poétique » à la Place des Arts, où sa troupe a pris ses habitudes et a fait résonner si fort les mots des poètes d’ici et d’ailleurs au cours de la dernière décennie.
Loui Mauffette est le maître incontesté du cabaret poétique inclassable, aussi soucieux de faire entendre les mots que de faire vibrer les corps. Pour lui, la poésie est une affaire sensuelle et organique. Avec sa vaste table sur laquelle on déclamait des poèmes québécois et étrangers ou sur laquelle on dansait à la manière de Dave St-Pierre, son grand succès Poésie, sandwichs et autres soirs qui penchent a donné le ton et pavé la voie à d’autres spectacles où il a affiné son esthétique : Dans les charbons et Est-ce qu’on pourrait pleurer un tout petit peu ?
La quête du père et le souvenir de l’enfance sont les grands fils conducteurs de cette aventure scénique dans laquelle Mauffette s’est d’abord lancé de manière craintive : sa peur des planches et son trac sont largement connus. Aujourd’hui, parce qu’il sait s’entourer d’artistes assoiffés du verbe, il n’hésite plus à briller sur scène, dans des pièces célébrant le collectif et le rassemblement comme savait le faire son père, le célèbre animateur de radio Guy Mauffette. Mis en scène par Benoit Landry, son nouveau spectacle cherche de nouveau à recréer l’état d’esprit de l’enfance : une curiosité sans bornes, un état d’alerte permanent, mais aussi, peut-être, une certaine mélancolie.
« Je suis festif et je vais faire un spectacle rassembleur, dit-il, mais je suis aussi terriblement angoissé par la peur de la mort et habité par un certain existentialisme. Cette dimension-là sera assurément présente dans notre sélection de textes. »
100 % Québec
Cette fois, Mauffette se donne la contrainte de sélectionner seulement des poètes québécois. Ce n’est pas le choix qui manque. Celui qui a connu Félix Leclerc au cours de son enfance — le chanteur mythique était un bon ami de son père pendant la première période de sa carrière — va certainement faire entendre ses mots.
Les années 1960, terreau si fertile en poésie québécoise, lui servent de point de départ, mais la principale préoccupation de Mauffette est de constituer une trame de textes qui font écho aux vies et aux sensibilités de sa géniale troupe d’acteurs, souvent des artistes plus jeunes que lui qui voient le monde bien autrement. Jean-Simon Leduc, Mylène Mackay et Jean-Philippe Perras sont de l’aventure cette fois-ci, auprès d’acteurs plus expérimentés comme Nathalie Breuer et Roger La Rue.
« Je me sens si proche de la jeunesse », affirme l’artiste, qui est aussi attaché de presse du Théâtre du Nouveau Monde. « Il me semble que, plus je vieillis, plus je me sens proche de mon enfance. Dans ma vie de jeune adulte, j’ai mis de côté les souvenirs de mes parents et de mes frères et sœurs ; j’avais besoin d’exister par moi-même, par le biais d’une sorte de déni de l’enfance. Mais l’enfance me rattrape aujourd’hui. »
Du théâtre politique sans en avoir l’air
En arrière-plan, ses spectacles ont toujours raconté la société québécoise, évoqué des luttes sociales, exalté le vivre-ensemble. Mais pas question de faire dans le militantisme. Loui Mauffette tient vraiment, cette fois, à affirmer avant tout sa quête d’un rapport sensuel avec les mots. « Je trouve qu’il y a infiniment trop de parole au théâtre ces temps-ci, et que le rapport avec le politique est exprimé de façon extrêmement revendicatrice et militante. C’est très bien, et je suis un bon spectateur de ce type de théâtre, mais je veux pour ma part éviter cette frontalité. »
Pour ce faire, l’idéateur et son metteur en scène Benoit Landry risquent de favoriser aussi les silences, les atmosphères contemplatives et les images scéniques parlantes. Mauffette se rappelle par exemple avec beaucoup d’émotion la danse-théâtre de Carbone 14 dans les années 1980. Une inspiration.
Chansons pour filles et garçons perdus, à la Cinquième Salle, du 9 au 19 mai 2019.