Lady Chatterley : un pur enchantement
En ouverture de leur saison 2018-2019, Les Grands Ballets nous offrent une adaptation toute en élégance et en sensualité du célèbre roman de D. H. Lawrence. Rencontre avec Eline Malègue et Raphaël Bouchard, les deux danseurs qui tiennent la vedette de cette histoire d’amour d’une grande actualité.
Parlez-nous un peu de vos personnages.
Eline (E) : Le mari de Constance, une jeune aristocrate, revient paraplégique de la Première Guerre mondiale. C’est très dur pour elle ; au bout d’un moment, la dépression s’installe. C’est alors qu’elle rencontre Mellors, le garde-chasse de leur propriété, qui devient son amant. Elle devient enceinte de lui et se demande comment élever son enfant, et si elle doit rester avec son mari, Clifford, ou le quitter…
Raphaël (R) : Mon personnage, Mellors, a lui aussi été blessé par la vie à sa manière. Tout ce qu’il veut, c’est être seul et éviter les problèmes. Lorsqu’il rencontre Connie, il ressent une attirance, mais il est conscient qu’ils ne sont pas de la même classe sociale et que ça posera problème…
C’est la première fois que vous travaillez avec la chorégraphe Cathy Marston. Comment se passent les répétitions ?
E : Comme ce ballet est une création, Cathy est constamment avec nous. Elle est très organisée. Souvent, on travaille avec le roman. Avant de créer un mouvement en studio, Cathy dit : « OK, qu’est-ce que le personnage dit à ce moment, qu’est-ce qu’il ressent, comment le montrer ? » C’est à partir de là qu’on crée le mouvement.
R : Les répétitions sont toujours agréables. On s’entend super bien avec Cathy.
E : Elle nous donne l’impression que tout ce qu’on fait est bon, même si parfois on sait que c’était catastrophique ! Elle est toujours positive.
Est-ce que ce ballet comporte des défis particuliers pour vous ?
R : Mellors est plutôt nonchalant, alors que je suis une personne énergique. Et en ballet, on a l’habitude d’exagérer les mouvements, alors que dans ce spectacle, il faut jouer avec le plus de naturel possible. Le meilleur exemple, c’est le moment où je dois me laver avec un seau d’eau. Au départ, j’ai fait tout un ballet autour du seau, mais Cathy voulait plutôt que je fasse comme si je me lavais chez moi.
E : Pour moi aussi, le plus dur, c’est de jouer de façon réaliste, sans faire joli. Parfois, Cathy me dit : « Tu es tellement française ! » Lady Chatterley, c’est une œuvre très terre à terre. C’est aussi la première fois que je tiens un premier rôle. C’est un défi ! Je dois faire attention de ne pas me laisser envahir par le stress.
R : Mais je suis là pour la soutenir !
Quel est votre moment préféré dans le spectacle ?
R : Je préfère notre deuxième pas de deux, mais Eline préfère le troisième.
E : Dans le deuxième pas de deux, Constance vient de pleurer et Mellors la réconforte. Il l’emmène dans sa cabane, alors il se passe ce qu’on devine… C’est un pas de deux calme, on a le temps de bien l’apprécier.
R : Et la musique est superbe. J’adore le début.
E : Mais c’est vrai que j’ai une petite préférence pour le troisième, parce que c’est un pas de deux sensuel, mais fort, sur une musique incroyable.
À quoi peut s’attendre le public dans ce ballet ?
R : C’est un ballet néoclassique, donc un bon mélange entre le ballet classique et la danse contemporaine.
E : Les parties de groupe sont très groundées. Certains dansent pieds nus ou en bottes, d’autres en chaussures de caractère. Il y a aussi quelques filles en pointes, surtout les personnages de la haute société.
R : L’œuvre est très sensuelle, mais on fait attention à ne pas dépasser la fine ligne qui sépare la sensualité de la sexualité.
Cette 62e saison des Grands Ballets canadiens a été conçue comme une ode à la femme. Quelle image de la femme est mise de l’avant dans L’Amant de Lady Chatterley ?
R : La femme moderne, même si l’histoire se déroule dans les années 1920. Les thèmes de l’œuvre restent très actuels.
E : C’est une femme forte. Elle est prise entre l’amour et les exigences de sa classe. Mais elle fait ce dont elle a envie, au final.