L’éducation esthétique, pour aiguiser le regard et la réflexion
Du 18 au 21 août 2020, le Camp de formation de la Place des Arts, avec le soutien du ministère de la Culture et des Communications, a donné lieu à de fructueux échanges entre enseignants, artistes-médiateurs et diffuseurs. Un moment fort de l’événement : la conférence de la professeure de l’UQAM Marie-Christine Beaudry sur l’approche de l’éducation esthétique, qui est au cœur de cette formation. Explications.
En plus de produire et de diffuser des spectacles, la Place des Arts s’implique en éducation depuis plusieurs années. Son camp de formation pour équipes régionales, qui en était à sa deuxième tenue cet été, s’inscrit dans cette sphère d’activité. Il est né d’une collaboration avec le Lincoln Center Education (LCE) de New York qui a débuté en 2016 et s'est concrétisé en 2017 avec la tenue d'une première formation conjointe. Cette division du célèbre Lincoln Center for the Performing Arts est réputée pour son expertise en éducation esthétique, une approche qui mène l’élève à aiguiser son regard sur une œuvre par l’observation et l’action.
Clothilde Cardinal, directrice de la programmation à la Place des Arts, indique que l’objectif de la formation est de partager leur enthousiasme devant cette approche et de créer une communauté afin de rejoindre encore davantage de jeunes. « Nous nous sommes questionnés sur notre mission en tant que centre culturel. Certes, cette mission est de diffuser des arts de la scène, mais aussi de valoriser la réception de ces arts comme éléments essentiels d’apprivoisement de la vie », affirme-t-elle. C’est dans cet esprit que se tient le Camp de formation d’été, destiné aux artistes-médiateurs, aux enseignants et aux diffuseurs culturels de partout au Québec.
« Nous nous sommes questionnés sur notre mission en tant que centre culturel. Certes, cette mission est de diffuser des arts de la scène, mais aussi de valoriser la réception de ces arts comme éléments essentiels d’apprivoisement de la vie. »
De la théorie à la pratique
Les équipes qui ont pris part au camp cette année se sont familiarisées avec la théorie de l’éducation esthétique, puis ont transposé cette matière à la conception d’un projet de culture-éducation qui sera déployé au cours de l’année scolaire. Cette année, COVID-19 oblige, les experts du LCE étaient présents sur Zoom, tandis que les experts de la Place des Arts ainsi que les participants, masques au visage, devaient respecter les mesures de distanciation dans la salle de répétition où ils étaient rassemblés pour assister à la conférence puis échanger.
« La méthode [de l’éducation esthétique] propose un dictionnaire commun innovant et enrichissant pour préparer les jeunes de tous horizons scolaires à réfléchir comme des artistes, à penser différemment et à être, ultimement, des citoyens plus ouverts, plus aptes à trouver leur place dans le monde », estime Clothilde Cardinal.
Ouvrir ses horizons
Ce 19 août, cinq équipes provenant de Sorel, Sainte-Thérèse, Sherbrooke, Victoriaville et Terrebonne ont écouté attentivement la professeure Marie-Christine Beaudry, qui a présenté sa conférence sur Zoom. Sur trois écrans disposés dans une salle de répétition de la Place des Arts, elle racontait s’être intéressée à l’éducation esthétique après avoir été bouleversée par une œuvre au cours de sa scolarité, sans qu’il y ait de suivi en classe.
« J’ai voulu comprendre pourquoi certains jeunes sont marqués par une œuvre tandis que d’autres non, racontait-elle. L’éducation esthétique est l’apprentissage par le biais d’un projet et permet aux élèves d’aiguiser leur regard, de s’ouvrir davantage à l’expérience artistique. »
Ce concept d’art vécu comme une expérience a été étudié par les philosophes américains John Dewey et Maxine Greene, qui souhaitaient démocratiser la culture et défaire l’association entre art et élitisme. « Dans les processus d’éducation classiques, on demande souvent aux élèves de se concentrer sur les émotions ressenties, et les réponses sont parfois factices et formatées, ajoute Marie-Christine Beaudry. L’éducation esthétique met davantage l’accent sur les sens et le pourquoi des choses. »
« L’éducation esthétique est l’apprentissage par le biais d’un projet et permet aux élèves d’aiguiser leur regard, de s’ouvrir davantage à l’expérience artistique. »
Un élément clé de cette approche : la durée plus longue du contact avec l’œuvre, par un ensemble d’activités articulées les unes aux autres. L’élève est alors actif, car il participe en exprimant des choix artistiques et comprend que la création n’est pas le simple fruit d’un don, mais nécessite travail et réflexion.
Des contacts répétés avec des objets et des médiums artistiques émergeraient une réflexion et une collaboration riches entre élèves, enseignants et artistes-médiateurs. Des études ont d’ailleurs démontré l’impact positif de l’éducation esthétique sur les jeunes, par l’augmentation de la motivation et de l’intérêt envers les arts, la culture et l’école.
La Place des Arts offrira ce camp de formation chaque été jusqu’en 2022 au moins. Avis aux intéressés! En outre, la Place des Arts donnera une formation en éducation esthétique, cet automne, aux artistes-médiateurs et enseignants impliqués dans ses projets éducatifs.