Karine Giboulo
Véronique Champagne - 11 septembre 2018

Karine Giboulo révèle l’autre visage de la réalité inuit à Montréal

Du 12 septembre au 14 novembre, l’artiste visuelle Karine Giboulo présente l’exposition Arnait (femme, en inuktitut). Sa collection d’œuvres miniatures, inspirées par le triste décès de l’artiste Annie Pootoogook, nous invite, enfin, à faire connaissance avec les communautés autochtones de la métropole.

 

Karine Gibouleau, la femme, est née en 1980 dans Lanaudière. Karine Giboulo, l’artiste visuelle, a vu le jour il y a vingt ans, à Montréal. Après le dessin et la peinture, c’est la sculpture de dioramas, des reconstitutions en trois dimensions de scènes miniatures, qui s’est imposée à elle tout naturellement.

 

« Argile, bois, métal, fibre de verre, polymère… J’ai d’abord une vision d’ensemble, puis je cherche les bons outils et matériaux pour arriver à l’exprimer », explique Karine Giboulo.

 

La naissance de Arnait

 

C’est l’humain dans toute sa complexité sociale qui inspire Karine Giboulo. L’artiste a voyagé de par le monde pour documenter ses œuvres, qui s’ouvrent comme des fenêtres sur sa perception de différents enjeux sociaux.

Mondialisation, capitalisme, génocide culturel… Les thématiques sont dures, mais leurs représentations miniatures douces et soignées invitent le regard à s’attarder sur une réalité dont il a tendance, autrement, à se détourner.

 

Il y a quelques années, Karine Giboulo a fait un étonnant constat : « Je voyageais, je voyageais, et je me suis rendu compte que je n’avais jamais mis les pieds dans une réserve autochtone, dans ma propre province. » Elle a remédié à la situation, et plusieurs projets artistiques ont découlé de ses rencontres, dont l’œuvre What is my Name ?, exposée à la galerie Collection McMichael d’art canadien, qui aborde l’importante question de l’assimilation des minorités autochtones.

 

Karine Giboulo ne se contente pas de fouiller puis de dénoncer : elle s’investit. En 2016, elle a été très affectée par la mort de l’artiste inuit émérite Annie Pootoogook, et blessée plus vivement encore par les réactions du public. « Comme elle a été retrouvée sans vie dans le canal Rideau à Ottawa, on a vu pleuvoir les commentaires racistes du genre "une autre inuit saoule", se rappelle Karine Giboulo. Annie Pootoogook jouissait d’une réputation artistique qui a aussitôt lavé son nom, mais toutes les femmes autochtones disparues n’ont pas cette chance. »

 

La culture autochtone célébrée

 

Arnait, c’est l’autre visage de la communauté autochtone en milieu urbain. « On connaît assez bien les problématiques, mais rien du reste. C’est cette face cachée que je voulais célébrer », précise l’artiste visuelle.

 

Par exemple, un des dioramas met en scène un étonnant avion-bateau, dans lequel prennent place des personnages. « Les autochtones de Montréal reçoivent, de la part de membres de leur famille, des boîtes de viande de phoque, de baleine ou de caribou, qu’ils appellent la nourriture de la terre. Ces aliments sont très importants pour les communautés, et chaque livraison est une fête », explique Karine Giboulo. L’artiste a été invitée à ces festins communautaires où tous s’assoient à même des cartons disposés au sol pour manger de la viande crue, typique de leur coin de pays.

 

Au lieu des préjugés, la réalité : une vie culturelle et communautaire très riche. « Je partage ce que j’ai appris en les côtoyant. Ce n’est pas triste, et ce n’est pas joyeux : c’est beau », dit l’artiste visuelle.

 

Des talents inuits ont en outre mis la main à la pâte pour mettre sur pied l’exposition, notamment l’artiste Miali Sharky, dont les œuvres entrent en relation avec celles de Karine Giboulo.

 

Un regard plein de tendresse

 

Dix photos et biographies de chacune des dix femmes autochtones qui ont inspiré les œuvres de Arnait seront aussi affichées. « C’est mon regard sur ces femmes que je partage dans mon exposition, et je trouvais important de les présenter », explique-t-elle.

 

Chacun des personnages et accessoires des dioramas a été travaillé et peaufiné pendant des heures et des heures. « Il y a beaucoup, beaucoup d’amour dans chaque œuvre », précise l’artiste en riant.

 

Cela se voit, et se sent ! Tout comme son amour pour ces femmes, avec qui, forcément, elle a tissé de précieux liens. Et si, à notre tour, on faisait enfin connaissance ?

 

L’exposition Arnait de Karine Giboulo sera présentée du 12 septembre au 14 novembre 2018 à la salle d’exposition de la Place des Arts, de midi à 22 h, tous les jours. L’accès est gratuit.

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