Johan Bävman
Crédit photo : Jessica Samario
Crédit photo : Jessica Samario
Maryse Boyce - 21 mars 2019

Johan Bävman : éloge de la parentalité partagée

Avec son projet Swedish Dads, le photographe Johan Bävman s’est immergé dans le quotidien de pères suédois qui choisissent de prendre au moins six mois du congé parental lors de la naissance de leur enfant. Rencontre.

 

Depuis maintenant six ans, l’exposition Swedish Dads a été présentée dans 65 pays et a aussi donné lieu à un livre. C’est au tour de la salle d’exposition de la Place des Arts de l’accueillir sous le titre Papas, jusqu’au 21 avril, dans le cadre du festival FIKA(S). Le photographe y présente 25 portraits de ces pères suédois, accompagnés de courtes mais marquantes réflexions sur la paternité.

 

La Suède offre le plus généreux des programmes de congé parental : 480 jours au total pour tous les nouveaux parents, dont 90 jours réservés au père. Malgré ces mesures, ce ne sont que 29 % des pères qui se prévalent de ces 13 semaines de congé parental. Seuls 14 % des couples suédois se partagent le congé de manière égale.

 

Pour poursuivre la réflexion entamée par Papas, nous avons profité du passage de Johan Bävman à la Place des Arts pour lui poser quelques questions.

 

Quelle a été l’étincelle de départ de votre projet ?

 

Après la naissance de mon premier fils, j’ai commencé ma part du congé parental alors qu’il avait neuf mois, pour les neuf mois suivants. J’avais peur de faire des erreurs. C’était difficile pour moi d’incarner le père que je désirais être.

 

Je me suis dit qu’il fallait montrer des hommes qui expriment leurs échecs, leur fatigue et le côté exigeant du rôle de père à la maison. J’ai essayé de créer ces modèles pour avoir des figures dans lesquelles me reconnaître, et j’espère que d’autres pères le pourront aussi.

 

Je voulais aussi créer un débat : pourquoi ces hommes à la maison sont vus comme spéciaux, alors que les femmes font la même chose depuis tellement longtemps ? Je ne serais pas ici si mes photos montraient des femmes. C’est que je voulais que les gens réalisent, et je souhaite que ça provoque des discussions.

 

Comment avez-vous recruté les pères participants ?

 

La plupart vivent dans mon quartier ou encore en banlieue et en campagne dans le sud de la Suède. Quelques-uns sont des amis, mais j’ai recruté plusieurs d’entre eux dans des garderies où les parents sont les bienvenus et où certains jours étaient dédiés aux pères.

 

Parlez-nous du contexte dans lequel vous avez capté vos sujets. Pourquoi était-ce important pour vous de montrer les pères dans leur quotidien ?

 

Je voulais mettre en lumière le travail non rémunéré qu’accomplissent les parents. Même si ces pères et leurs enfants sont photographiés dans des environnements typiquement suédois, la situation est la même peu importe où vous allez. Dans un bidonville du Bangladesh aussi, les bébés doivent être nourris, endormis, changés. Tout le monde peut se reconnaître.

 

Avec ce projet, vous avez dit vouloir créer des modèles plutôt que des superhéros afin de créer une conversation. Vous attendiez-vous à recevoir un tel accueil ?

 

Pas du tout ! Mais j’ai compris en cours de route à quel point le sujet du congé parental est vaste. Il n’est pas seulement question de la façon dont les hommes participent à la vie de famille, mais aussi des moyens d’atteindre l’égalité des genres, et ce partout dans le monde. Pour atteindre l’équité entre les hommes et les femmes, je crois qu’il faut commencer par le cadre familial.

 

L’un des buts avec votre projet était de comprendre ce que les pères retirent d’un long congé parental. Avez-vous trouvé des réponses ?

 

La réponse la plus fréquente est que ces pères ont gagné beaucoup de confiance dans leur nouveau rôle. Ils comprennent mieux leur enfant et ses besoins. Quand je leur parle six ans plus tard, ils chérissent toujours le lien qu’ils ont créé à ce moment-là.

 

Quelle réaction vous a le plus surpris par rapport à votre projet ?

 

Deux semaines après que mes photos ont été présentées au Pakistan, tous les hommes travaillant pour le gouvernement ont obtenu un congé parental de deux semaines, alors qu’ils n’en avaient jusqu’à alors aucun ! La même chose s’est produite au Rwanda. Ce sont des retombées tangibles.

 

Est-ce que vous continuez à documenter les pères en congé parental ? Sur quoi travaillez-vous présentement ?

 

Je ne prends plus de nouvelles photos de papas ; sur le plan artistique, j’ai besoin de passer à autre chose. Mais j’essaie de continuer à prendre part à la discussion. Je travaille également à un nouveau projet qui implique la masculinité, mais à ce stade-ci, je ne peux pas en dire davantage. Simplement qu’il traite d’un sujet près de moi, dans lequel tout le monde peut se reconnaître.

  

 

Papas / Swedish Dads, de Johan Bävman, est présenté jusqu’au 21 avril 2019 à la salle d’exposition de la Place des Arts. Entrée libre.

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