Navy Blue
Philippe Couture - 5 mai 2023

FTA 2023 : ballet en bleu, récits ancestraux et géographies nouvelles

Au cours du Festival TransAmériques (FTA), la Place des Arts accueille pour la première fois au Québec, la chorégraphe irlandaise Oona Doherty, sensation du moment en Europe. Sa plus récente création, Navy Blue, apparaît au cœur d’un programme qui propulse les paroles des premiers peuples d’ici et d’ailleurs et des œuvres venues de coins de pays peu fréquentés par la scène montréalaise. Conversation avec la codirectrice artistique du FTA, Jessie Mill.

 

Crédit: Hamza Abouelouafaa

Crédit: Hamza Abouelouafaa

 

L’un des précédents spectacles d’Oona Doherty s’intitulait Hope Hunt et avait fait forte impression sur Jessie Mill. La chorégraphe née à Londres et ayant grandi à Belfast y explorait les stéréotypes de la masculinité dans une énergie brute et explosive. « J’aime aussi la sophistication de son exploration des frontières du genre, tant sur le plan de la masculinité et de la féminité que des formes de danse », résume la codirectrice artistique du FTA, avec son sens habituel de la précision.

 

À Montréal, Oona Doherty s’amène avec Navy Blue, une œuvre à grand déploiement (grande forme) pour 12 interprètes, qui emprunte d’abord les codes classiques d’un ballet pour se fragmenter et se pervertir peu à peu, alors que des gouttes de sang bleu immergent la scène et font tomber les corps les uns après les autres.

 

« Au FTA, on aime les grandes formes, mais on les trouve parfois figées dans les codes du ballet ou des pièces contemporaines canoniques, et ainsi elles entretiennent parfois un rapport stérile aux notions de performance et de virtuosité. Ce que j’ai tout de suite aimé d’Oona Doherty, c’est qu’elle réussit à tenir la route à cette échelle de la grosse pièce d’envergure, rassemblant toutes sortes de publics, tout en fracassant un peu ce carcan de la grande forme en danse. Elle a réuni un ensemble d’interprètes exceptionnels, capables de donner toute cette spectacularité, tout en la déconstruisant et en travaillant sur une vraie singularité. », nous confie Jessie Mill.

 

Pour comprendre comment la chorégraphe arrive à cette stimulante torsion des codes tout en racontant une Irlande du Nord heurtée par la violence et par un passé politique trouble, il faudra voir le spectacle au Théâtre Maisonneuve le 30 mai, le 31 mai et le 1er juin.

 

Récits ancestraux réactivés

 

Les codirectrices Martine Dennewald et Jessie Mill ont plus que jamais cette année l’intention de faire entendre des paroles ancestrales et de faire voir des mondes oubliés ou des univers invisibilisés.

 

S’inscrivant pleinement dans une tendance actuelle en arts de la scène partout en Occident, elles vont un cran plus loin que les autres en programmant, par exemple, des artistes des premiers peuples du Canada et de l’Amérique latine, du nord de l’Europe et du Maghreb. Peu de festivals internationaux créent actuellement l’espace pour que ces artistes se rencontrent.

 

De Cliff Cardinal (Toronto) à Radouan Mriziga (Maroc), en passant par Elle Sofe Sara (Norvège), Tiziano Cruz (Argentine) et le duo Vinnie Karetak/ Laakkuluk Williamson Bathory (Nunavut), le festival plonge dans des paroles et les esthétiques des Premières Nations, Inuits, Imazighen, peuples Samis et andins. 

 

Cheminer vers d’autres territoires

 

Viscéralement international depuis toujours, le FTA était néanmoins connu depuis deux décennies pour son appétit pour la scène européenne. Avec Jessie Mill et Martine Dennewald aux commandes, tout cela est en train de changer profondément.

 

L'année dernière, le festival avait pris la direction de l’Afrique. Cette année, bien que la volonté de continuer à explorer l’Afrique et les cultures afroaméricaines soit évidente, avec la présence de Nora Chipaumire ou de la compagnie new-yorkaise Sweat Variant, le festival a choisi d’explorer entre autres la diversité culturelle des Amériques, du Nord au Sud. Sur la liste des spectacles à voir, soulignons Reminiscencia, du Chilien Malicho Vaca Valenzuela, et Encantado, de la réputée chorégraphe brésilienne Lia Rodrigues.

 

Et ce, sans oublier les magnétiques artistes de la province que le festival présente : Dominique Leclerc, Catherine Bourgeois ou Larry Tremblay et Angela Konrad, par exemple. Le voyage commence le 24 mai et court jusqu’au 8 juin.

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