En résidence – François Lavallée : l’aventure par les mots
Le conteur François Lavallée est allé puiser dans les méandres de l’enfance pour tirer l’inspiration de son projet solo en cours, Le Ruisseau.
Ce ruisseau, c’est celui qui coulait derrière la maison de ses parents, là où, gamin, il allait pêcher des grenouilles et se transformait en preux chevalier en jouant avec ses frères. « C’était un lieu magique où on se rendait compte que la nature était une grande conteuse, relate l’artiste de sa voix à la fois tendre et rocailleuse. C’était le lieu de l’imaginaire, le lieu de tous les possibles. »
Celui qui se décrit comme un « guide d’expédition » nous convie à le suivre en 1986, lorsqu’à 10 ans, il part à l’aventure vers le petit cours d’eau. En chemin, le « p’tit gars qui veut grandir » est mis en présence de grandes questions de la vie : l’amour, la mort, la liberté.
Même si le point de départ se trouve dans sa jeunesse, François Lavallée se défend bien d’avoir pondu un spectacle nostalgique. « Avec les enjeux du monde actuel, on doit s’adapter ou laisser des choses derrière soi pour avancer autrement. Ça nous convoque non pas à une nostalgie du passé, mais à retrouver cette capacité qu’on avait enfant de se transformer, de changer de costumes et de jouer le jeu », explique le conteur de 44 ans.
« Comment peut-on réinvoquer ce mouvement si on ne retourne pas à son origine ? Enfants, on était capables de se prendre pour de grands architectes en bâtissant une cabane, de devenir des chevaliers, de tomber follement amoureux… Le poids des années fait disparaître tout ça, mais on peut le retrouver. C’est cette énergie brute qui m’intéresse. »
Sur la photo : Rebecca Rabaraona, directrice de production
François Lavallée rappelle cette énergie créative chaque fois qu’il s’assoit pour raconter ses histoires.
« Enfants, on était capables de se prendre pour de grands architectes en bâtissant une cabane, de devenir des chevaliers, de tomber follement amoureux… Le poids des années fait disparaître tout ça, mais on peut le retrouver. C’est cette énergie brute qui m’intéresse. »
Ses premières expérimentations autour du feu, dans des camps de vacances, l’auront mené partout autour du globe : de la France au Nunavik, en passant par le Niger, où il a remporté en 2005 la médaille d’or du concours de contes et conteurs des Jeux de la Francophonie.
« Un jour, les gens m’ont fait le cadeau de me nommer conteur, laisse tomber l’artiste, qui exerce son métier depuis 26 ans. Quand je prenais la parole, c’est comme si une partie de moi grandissait et se mettait à exister. J’étais quelqu’un qui était souvent dans la lune, un grand lunatique. Les amis qui riaient de moi quand la prof me sortait de mes rêves viennent aujourd’hui me voir raconter ces voyages ! »
Au-delà du conte traditionnel
La présentation du Ruisseau était prévue le 29 mars 2020 à la Salle Claude-Léveillée de la Place des Arts, mais une certaine pandémie l’a forcé à repousser la première sans idée aucune du moment où elle aurait lieu.
Ce report lui aura toutefois donné la possibilité de travailler sur une version beaucoup plus ambitieuse du spectacle, notamment grâce à l’appui de la dramaturge Jennifer Tremblay et du scénographe français Jean-Marie Oriot.
« Cette nouvelle version m’a permis de fouiller, de creuser l’écriture, [d’aller] plus loin que je ne l’avais jamais fait en solo », explique celui qui a remporté le prix Jocelyn Bérubé du festival de contes et récits de Trois-Pistoles en 2017.
François Lavallée s’est aussi fait plaisir en allant au-delà du stéréotype du « conteur, avec sa chaise et son verre d’eau » grâce à une mise en scène à l’intersection du conte, du théâtre et du cinéma, comme il l’a fait dans son précédent spectacle, Western, créé avec le Français Achille Grimaud.
Pendant ses deux semaines en résidence à la Place des Arts, du 24 mai au 4 juin, l’artiste a sorti pinceaux, colle, bouts de carton et cailloux pour assembler les petits objets qui formeront l’univers de ce spectacle iconoclaste, avec la collaboration à distance de Jean-Marie Oriot. Il est ensuite passé à l’assemblage de ce qu’il appelle son « petit ballet », c’est-à-dire l’harmonisation du texte, du jeu, du son et des éclairages.
C’est avec joie qu’il prendra la route l’automne prochain pour présenter le résultat de cette création dans plusieurs festivals. Son rendez-vous manqué à la Place des Arts sera repris à l’hiver ou au printemps 2022.
Selon lui, le monde postpandémie sera très fertile pour le conte. « La pandémie nous ramène à toutes sortes de questions sur ce qu’on veut, sur ce qu’on ne veut pas, sur le sens de nos vies. Les conteurs s’intéressent justement au sens qu’on donne aux lieux, aux espaces, aux gens et aux récits collectifs qui sont au centre de notre humanité, observe François Lavallée. Notre métier devient un prétexte pour rendre le monde plus beau, meilleur. »
« La pandémie nous ramène à toutes sortes de questions sur ce qu’on veut, sur ce qu’on ne veut pas, sur le sens de nos vies. Les conteurs s’intéressent justement au sens qu’on donne aux lieux, aux espaces, aux gens et aux récits collectifs qui sont au centre de notre humanité. Notre métier devient un prétexte pour rendre le monde plus beau, meilleur. »
Le programme L’Art en soi, rendu possible grâce au soutien financier de la Fondation de la Place des Arts et ses partenaires, offre un appui aux artistes dans le but de faciliter la création et le déploiement d’œuvres originales. Les Résidences d’artistes procurent aux créateurs des conditions optimales d’exploration, d’expérimentation ou de production d’une œuvre, soit en salle de répétition ou de spectacle.
Crédit photo : Thibault Carron