En résidence – Damián Birbrier : une conversation sous le signe de l’improvisation
Le saxophoniste Damián Birbrier met l’improvisation et l’échange au centre de la musique, qu’il conçoit comme une discussion entre amis. Le musicien était en résidence en juin à la Place des Arts pour explorer cette forme libre dans son projet Caïpir.
« Quand on rencontre des amis dans un parc, on ne planifie jamais les sujets de conversation de l’après-midi. On va aller là où nos sujets nous mènent », explique Damián Birbrier, à qui l’improvisation est si chère qu’il en a fait le sujet de sa maîtrise en musicologie à l’Université de Montréal. Mais le musicien ne se contente pas de la théorie : il met aussi l’improvisation musicale au cœur de sa pratique.
Un hommage à la terre natale
Né en Argentine d’une mère brésilienne, Damián Birbrier a grandi dans la luxuriante campagne du centre-sud du Brésil, où abondent les forêts et les stations thermales. Sa résidence artistique à la Place des Arts explore l’héritage culturel de cette région où il a passé son enfance, une période de sa vie qui a été marquée par un univers musical particulier et par la culture foisonnante du peuple caipira, dont il est issu.
Le portugais et le français partageant des racines communes, le saxophoniste a réalisé qu’en transformant le mot en « Caïpir », les deux mots se prononcent pratiquement de la même façon dans les deux langues. D’où l’appellation de son projet, puisque l’ensemble des artistes qui y participent partage ces origines. L’objectif : créer une fable où s’entremêlent musique, théâtre et poésie.
Une trame à inventer
La résidence artistique à la Place des Arts constitue la première étape de cette démarche créative. Axée sur l’improvisation musicale, elle sert à composer la trame sur laquelle se poseront ensuite la construction narrative et le texte poétique.
Tout au long des sept jours qu’a duré la résidence, Damián Birbrier était accompagné par le contrebassiste Erivan Duarte, l’un des cofondateurs du projet Caïpir. Les deux musiciens ont en commun de nombreuses références culturelles et des souvenirs d’enfance semblables, qui nourrissent leurs séances d’improvisation.
Le troisième idéateur, l’acteur, metteur en scène et poète Helder Agostini, « apporte le côté dramaturgie et mise en scène », de la Belgique, où il est installé. « Il apporte la textualité et le jeu du théâtre pour nous donner de nouveaux outils dans la musique, tandis que nous menons la musique vers le texte et le théâtre. » Le trio collabore étroitement malgré la distance, par écrit et par de fréquentes réunions tenues à l’aide de Zoom.
Le bonheur du dépaysement
Après le long confinement, Damián Birbrier voit le travail dans la salle de répétition G de la Place des Arts comme un précieux privilège. « C’est une sensation qui me manquait beaucoup... Il y a longtemps qu’on ne fait rien à cause de la COVID. C’est vraiment fort de se retrouver dans un lieu de création. Cela me confirme que l’art vivant ne va jamais mourir. »
Pour profiter de cet espace, le saxophoniste et le contrebassiste ont convié trois musiciennes et musiciens, eux aussi d’origine caipira, à prendre part à leurs séances d’improvisation. Ainsi, la chanteuse Bianca Rocha, le joueur de viola caipira Rodrigo Simões ainsi que le banjoïste brésilien Yussef Kahwage ont chacun à leur tour visité le studio G.
« Notre univers n’est pas si loin de celui de la campagne québécoise et des coureurs des bois. Ce n’est pas la même chose, mais la source est similaire. »
Pourquoi pas tout le monde en même temps? Simplement parce que l’improvisation n’est pas naturelle pour la plupart des musiciens. « Ça prend du temps, ce n’est pas confortable au début », dit Damián Birbrier. En créant un espace propice, le résultat se rapproche du jeu libre de l’enfance, et le processus comme le résultat génèrent de la joie.
« Comme dans une conversation, chacun de ces invités vient sans préparation, et on commence, explique-t-il. On donne des propositions qui stimulent des images et des mouvements de notre univers caipira, eux apportent leurs propres références, et ça nous enrichit beaucoup. » Ces séances ont toutes été enregistrées et procurent au saxophoniste un sentiment d’intense satisfaction.
Les prochaines étapes consisteront à éditer les sons et à les cataloguer selon les images qu’ils génèrent, alors qu’en parallèle, le texte se construira. Le trio espère pouvoir présenter d’ici la fin de l’année une version album de la fable afin que le luxuriant univers caipira puisse circuler le plus librement possible, en dépit de l’incertitude quant à la situation sanitaire.
« Grâce à cette résidence à la Place des Arts, j’ai l’espoir de connecter encore plus avec les gens d’ici, qui sont magnifiques. »
Car c’est dans la rencontre que Damián Birbrier et ses acolytes souhaitent faire voyager Caïpir, idéalement au Québec, où les gens devraient se reconnaître malgré des apparences différentes, selon le musicien. « Notre univers n’est pas si loin de celui de la campagne québécoise et des coureurs des bois. Ce n’est pas la même chose, mais la source est similaire. »
Se reconnaître dans l’autre permet d’ailleurs de cultiver l’empathie et d’ouvrir le dialogue, ce que vise au fond le projet Caïpir. « Grâce à cette résidence à la Place des Arts, j’ai l’espoir de connecter encore plus avec les gens d’ici, qui sont magnifiques. La COVID-19 nous a enlevé un peu de temps, mais nous sommes de retour. »
Le programme L’Art en soi, rendu possible grâce au soutien financier de la Fondation de la Place des Arts et ses partenaires, offre un appui aux artistes dans le but de faciliter la création et le déploiement d’œuvres originales. Les Résidences d’artistes procurent aux créateurs des conditions optimales d’exploration, d’expérimentation ou de production d’une œuvre, soit en salle de répétition ou de spectacle.
Crédit photo : Thibault Carron