Poste d’écoute : De grandes émotions avec la musique de ballet
Philippe Couture - 16 août 2020

POSTE D'ÉCOUTE : De grandes émotions avec la musique de ballet

Les compositions somptueuses de Prokofiev et de Tchaïkovski dessinent les paysages sonores inoubliables des grandes œuvres pour le ballet, dont Roméo & Juliette, Casse-Noisette et La Dame de Pique. Immersion en six pièces dans cet univers musical grandiose.

 

Avant eux, la musique de ballet n’avait pas la même ampleur, souvent plus arrimée aux ambiances et aux mouvements de l’intrigue dramatique que conçue pour soutenir le danseur et lui donner de l’élan. Tchaïkovski, au 19e siècle, et Prokofiev au siècle suivant, ont été les compositeurs de ballets par excellence parce qu’ils ont su écrire une musique qui impulse le mouvement du corps tout en évoquant la narration et les atmosphères du récit.

 

Leur influence ne s’essouffle pas, et le plaisir de réinterpréter leurs œuvres ne s’amenuise guère non plus. Les Montréalais applaudissent ces ballets avec un enthousiasme chaque fois renouvelé. Préparons-nous à le faire de nouveau au cours de la saison 2020-2021 des Grands Ballets Canadiens de Montréal – et avec les enregistrements notoires de l’Orchestre des Grands Ballets.

 

 

Tchaïkovski, lyrisme et nobles sentiments

 

Le moins qu’on puisse dire, c’est que Piotr Ilitch Tchaïkovski (1840-1893) n’a jamais eu peur de l’émotion. Sa musique plonge sans retenue dans l’exacerbation des sentiments, déployant l’amour et la colère dans leurs tonalités les plus expressives et les plus authentiques. Fougueuses et gorgées de soleil, ses pièces ont érigé au panthéon la symphonie romantique russe et ont exprimé sans relâche le combat de l’homme contre son destin, ou l’inextricabilité du fatum, cette force qui enserre l’homme et souvent brime son ascension.

 

Dans sa vie personnelle, le fatum aura pris la forme d’un mariage forcé avec une femme qu’il n’aimait pas, pour cacher une homosexualité que sa société réprimait. C’est néanmoins en sombrant dans un certain désespoir après son mariage en 1877 qu’il a écrit ses plus grandes œuvres, par exemple le Concerto pour violon en ré majeur opus 35, redouté pour ses difficultés techniques et louangé pour sa mélodie irrésistible et cajoleuse, évoluant jusqu’à l’explosion de sentimentalisme.

 

Son arrivée dans le monde du ballet n’a été rien de moins que révolutionnaire et il est le compositeur de certains des trois plus grands ballets de l’histoire : Le Lac des CygnesLa Belle au Bois Dormant et Casse-Noisette, chacun se constituant de musiques en parfaite symbiose avec le phrasé chorégraphique.

 

Dans Casse-Noisette, il crée un univers féérique et magique, un ballet dans lequel chaque note semble scintiller, comme les très célèbres Danse de la Fée Dragée et Danse russe.

 

Dance of the Sugar-Plum Fairy, par le Berliner Philharmoniker, sous la direction de Simon Rattle

 

 

 

Russian Dance, par le Berliner Philharmoniker, sous la direction de Simon Rattle

 

 

 

Adaptation pour l’opéra d’une nouvelle de Pouchkine, La Dame de Pique de Tchaïkovsky a été repensée pour le ballet en 2001 par le compositeur Jacques Lacombe. Écoutons l’Orchestre des Grands Ballets Canadiens interpréter sous sa direction deux pièces emblématiques de ce travail respectant au détail près la grande tradition romantique russe, travail qui a donné lieu à un album paru chez Analekta.

 

Un parc à Leningrad, par l’Orchestre des Grands Ballets Canadiens, sous la direction de Jacques Lacombe

 

Chez la comtesse, par l’Orchestre des Grands Ballets canadiens, sous la direction de Jacques Lacombe

 

 

Prokofiev, ardeur et tendresse

 

De Serge Prokofiev (1891-1953), les mélomanes apprécient la force percussive, le sentiment d’urgence et la hardiesse. Mais, comme il le montre bien dans Roméo & Juliette, il sait aussi se faire rêveur, féérique et mélancolique. Ayant mené une vie nomade et œuvré dans de nombreux contextes sociopolitiques et culturels, le pianiste et compositeur avant-gardiste a créé une œuvre multiple, au confluent de plusieurs genres, de la musique de chambre à l’opéra, en passant par le ballet et même la musique de film.

 

Il est ardent et impétueux : en témoigne le Scherzo du concerto no 2, un morceau explosif pour pianistes virtuoses, presque une course contre la montre. On peut en dire autant de la redoutable Sonate n° 6, dynamique et tonique, comme de l’opéra Guerre et Paix et de la Symphonie no 4.

 

C’est à son retour en Union soviétique, en 1934, qu’il a composé Roméo & Juliette, à la demande de l’Académie d’État de Théâtre et de Ballet de Leningrad : c’est alors le premier ballet soviétique à être tiré de l’œuvre shakespearienne. Sa partition, grandiose, allie drame et violence dans un même souffle et avec la même maestria. L’incontournable Danse des chevaliers en est un exemple sublime, de même que la Mort de Mercutio

 

Dance of the Knights, par l’Orchestre symphonique de Londres sous la direction d’André Previn

 

 

 

Death of Mercutio, par l’Orchestre symphonique de Londres sous la direction d’André Previn

 

 

Du 17 au 25 août

Sur l'Esplanade de la Place des Arts

 

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