Tambours japonais
Christine Lavoie-Gagnon - 20 février 2019

Taiko : l’art millénaire des tambours japonais

Au Japon, on ne saurait imaginer un festival, une cérémonie religieuse ou une danse traditionnelle sans le son du taiko. Sa réverbération, qui fait vibrer le corps et l’âme, est considérée comme le cœur du peuple nippon, et son rythme donne à chacun une véritable force de vivre.

 

Depuis plusieurs années, la Place des Arts prête ses scènes à des troupes de taiko japonaises célèbres, comme Kodo ou Drum Tao, qui font vivre cette expérience intense aux gens d’ici. Les tambours japonais ont un effet rassembleur, induisant presque une transe. Ils unissent autant les spectateurs que les musiciens, qui les frappent de façon athlétique suivant des chorégraphies hautes en couleur. L’énergie du taiko — et de ses interprètes — est contagieuse.

 

Un instrument mythique

Depuis la lointaine ère Jomon, de 10 000 à 300 ans av. J.-C., le tambour japonais donne le pouls à chaque événement important de la vie des Japonais. Dans la mythologie nippone, on raconte qu’un tambour improvisé, fait d’un seau tourné sur le côté, a servi à attirer la déesse du soleil Amatérasu hors de sa grotte. Encore aujourd’hui, le rythme du taiko, appelé wadaiko dans l’archipel, guide chaque rituel religieux, festival agraire et prestation de danse ou de théâtre traditionnels, afin d’attirer l’attention des dieux.

 

Le taiko a longtemps été considéré comme un instrument d’accompagnement, et ce n’est qu’après la Seconde Guerre mondiale qu’il est devenu le clou du spectacle. En 1943, le film La vie de Muhomatsu de Hiroshi Inagaki, dont la scène principale s’articule autour d’un taiko, a connu un succès phénoménal au Japon. À tel point que le cinéaste en a fait une nouvelle version, en 1958, qui lui a valu un Lion d’or à Venise. Ce soudain engouement pour le taiko, tant au Japon qu’à l’étranger, a donné naissance aux troupes professionnelles de taiko qu’on connaît de nos jours.

 

Une vie en communauté

Ces troupes sont de véritables communautés, au mode de vie très exigeant. Après un an ou deux d’entraînement intense en milieu fermé, seuls quelques apprentis ont le privilège de rejoindre la troupe. Les membres vivent ensemble, se partagent les tâches quotidiennes et les corvées de cuisine, en plus de s’entraîner sans relâche de 5 h 30 du matin à la tombée du jour. Passionnés par leur art, ils passent souvent leurs quelques heures libres, avant le couvre-feu, à visionner des performances de taiko sur Internet.

 

Pour un joueur professionnel de taiko, avoir les mains meurtries fait partie du quotidien. En effet, avoir du talent ne suffit pas : il doit aussi être fort mentalement et physiquement. Cette existence rude et cette promiscuité forgent des liens si puissants entre les membres de la troupe que leur intensité se transmet à travers leurs performances.

 

La puissance du taiko

La caisse du taiko est généralement creusée dans un tronc de chêne ou d’un arbre du genre Zelkova, comme le zelkova du Japon. Ses deux extrémités sont recouvertes d’une peau de vache, retenue tantôt par des clous métalliques noirs, tantôt par des jeux de cordages complexes, ajustables selon la résonance que l’on souhaite donner à l’instrument.

 

Le plus spectaculaire des tambours japonais est le grand taiko, ou o-daiko, qui peut mesurer plus de 90 cm de diamètre et plus d’un mètre de longueur. Ses proportions surdimensionnées lui confèrent la place principale dans une performance. On l’utilise souvent pour évoquer le tonnerre ou des vents violents, mais aussi la douceur de la pluie ou de la neige tombante, quand on le frappe à l’aide de bâtons souples. On joue du taiko avec le corps entier, et pour faire résonner le o-daiko, le musicien doit souvent réaliser des sauts acrobatiques haut dans les airs.

 

Les bâtons de taiko, appelés batchi ou ikada, ont aussi leur importance, car ce sont des instruments à part entière. On les frappe l’un contre l’autre ou sur la lisière du taiko pour émettre des sons et des rythmes précis. Ils sont généralement faits d’essences de bois durs et non huileux, comme le chêne et le zelkova, et font environ 3 cm de diamètre. Leur longueur varie selon le type de taiko utilisé.

 

Une force de vie

Au Japon, le taiko est pratiqué dans les communautés pour garder la forme ou encore pour enseigner les bonnes manières, la persévérance et l’esprit d’équipe. On trouve des compétitions d’amateurs partout au pays, autant pour les enfants que pour les personnes âgées ou handicapées. Car le taiko ne distingue ni les genres ni les âges, et sa force est telle qu’il donne envie de vivre à tous.

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