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Crédit photo : Mikael Theimer
Crédit photo : Mikael Theimer
Anne-Hélène Dupont - 17 novembre 2018

Programme Art adapté : quand l’art redonne confiance en soi

Cette année, le Programme d’accessibilité aux arts de la scène de la Place des Arts s’enrichit d’un nouveau volet : le Programme Art adapté. Gros plan sur le projet « De vive(s) voix », l’une des trois déclinaisons de ce programme.

 

Ils sont une douzaine d’hommes et de femmes de tous âges à faire demi-cercle devant le chef de chœur et artiste-médiateur André Pappathomas, au milieu de l’espace Georges-Émile-Lapalme de la Place des Arts. Au son du violoncelle, les choristes répètent un passage en latin, puis ils improvisent à partir des notes inquiétantes que le chef de chœur tire d’une sorte de harpe à cordes frottées de son invention.

 

Quelques passants ralentissent, tendent l’oreille, s’arrêtent un moment avant de poursuivre leur chemin dans le ventre du Montréal souterrain. Certains ont peut-être remarqué le panneau annonçant discrètement « En représentation : les Impatients ».

 

André Pappathomas, médiateur et chef de choeur. Credit photo : Mikael Theimer

 

Ces choristes ont en effet été recrutés parmi les usagers des Impatients, un organisme à but non lucratif qui propose des activités artistiques aux personnes vivant avec des problèmes de santé mentale.

 

Et on ne s’en doute guère à les entendre, mais ces interprètes n’avaient aucune expérience chorale il y a un mois, lorsqu’ils se sont inscrits à la série d’ateliers d’exploration vocale « De vive(s) voix ».

 

« Ils performent bien, constate Frédéric Palardy, directeur général des Impatients. Tout à l’heure, ils vont monter sur scène et être applaudis, pas en tant que personnes qui ont des problèmes, mais parce qu’ils sont réellement bons. »

 

André Pappathomas annonce la fin de l’atelier. Rendez-vous dans une demi-heure pour l’unique représentation du spectacle qui sera le point d’orgue de cette première itération du tout nouveau Programme Art adapté de la Place des Arts.

 

 

De l’art pour composer avec la maladie mentale

 

Brigitte Boulay fait partie de cette première cohorte du projet « De vive(s) voix ». « Je suis à l’affût de tout ce qui s’offre comme activités artistiques, confie-t-elle. Quand l’accompagnatrice en arts visuels des Impatients m’a proposé de participer à cet atelier de chant choral à la Place des Arts, j’ai sauté sur l’occasion. »

 

Les arts visuels, le théâtre et maintenant le chant l’aident en effet à composer avec la maladie mentale. « J’ai besoin de m’exprimer par l’art. Ça m’aide à me centrer, à oublier le monde extérieur. Quand je crée, je suis dans le présent et je me sens valorisée », explique-t-elle.

 

Des participants au projet, dont Brigitte Boulay (1ere photo, dernière personne à droite). Credit photo : Mikael Theimer

 

Son expérience avec André Pappathomas l’a enchantée. « On a beaucoup exploré à partir de notre voix, poursuit-elle. C’est vraiment ce que je voulais vivre : une expérience éclatée, qui sort du cadre habituel. C’est extraordinaire ! »

 

Créer dans la générosité

 

Si la Place des Arts a fait appel à lui pour ce programme, c’est qu’André Pappathomas est un habitué des projets qui sortent des sentiers battus. Celui qui a notamment dirigé en 2016 un concert à la salle Wilfrid-Pelletier réunissant dix chœurs provenant de dix pays différents a aussi une riche expérience de médiation artistique auprès des choristes aux prises avec des troubles de santé mentale ou de l’exclusion sociale.

 

Ces expériences ont façonné son approche singulière de l’art vocal : « L’idée de départ n’est pas du tout de former un chœur, précise-t-il. Ce que j’ai proposé aux participants, c’était d’offrir aux passants un moment, à partir de ce moyen si intime et révélateur que nous avons en commun : la voix. À partir de là, savoir chanter ou lire la musique n’a plus d’importance. C’est la générosité qui prend toute la place. »

 

Et comment arrive-t-on, en quatre ateliers seulement, à créer avec des chanteurs sans expérience un spectacle de neuf pièces ? « Je ne leur laisse pas le temps de réfléchir, dit l’artiste-médiateur. D’entrée de jeu, je lance une phrase musicale et je leur propose d’embarquer. On est tout de suite dans l’action et dans la création. À la fin de la rencontre, les participants se rendent compte qu’ils appartiennent à quelque chose de nouveau et de merveilleux. »

 

Des débuts prometteurs

 

« Ça fait deux ans qu’on se courtise, la Place des Arts et les Impatients. Enfin, nous avons un premier rendez-vous galant ! » badine Frédéric Palardy. Et ce premier partenariat est à ses yeux déjà fructueux : 

 

« Les participants me disent qu’ils adorent l’expérience, dit le directeur général de l’organisme. Malgré leur niveau d’anxiété élevé, ils aiment prendre part à des spectacles. Ça leur permet de se dépasser. Ce genre d’expérience brise leur isolement et leur redonne confiance en eux. »

 

 

En scène !

 

La pause tire à sa fin. Brigitte Boulay est fébrile, mais affirme ne pas avoir le trac. « Comme nos ateliers ont eu lieu dans cet espace, nous avons appris à le connaître, dit-elle. C’est agréable quand les gens s’arrêtent pour nous écouter. Et le fait de chanter en groupe nous donne un sentiment de sécurité. J’ai hâte de monter sur scène pour vivre le spectacle ! »

 

 

*

Marika Crête-Reizes, coordonnatrice programmation et accessibilité à la Place des Arts, répond à nos questions sur le Programme Art adapté.

 

À qui s’adressent les activités du programme ?

À des personnes qui ont des besoins particuliers, comme des limitations physiques ou des problèmes de santé psychologique, et à des gens qui vivent de l’exclusion sociale ou qui sont en processus de francisation.

 

Comment les participants s’inscrivent-ils à ces activités ?

Nous collaborons avec des organismes communautaires, comme les Impatients et les Compagnons de Montréal. Ce sont les organismes qui recrutent les participants et qui les emmènent aux ateliers.

 

Pouvez-vous nous décrire la formule de ces activités ?

Le programme se décline en trois projets qui sont offerts en parallèle : « De vive(s) voix », axé sur le chant, « Jeux de mots », sur la création littéraire, et « Le cœur à la danse ».

 

Chaque projet comporte quatre ateliers de deux heures et une représentation. Les quatre ateliers sont animés par le même artiste-médiateur. Ils ont lieu dans l’espace culturel Georges-Émile-Lapalme ou encore dans la salle d’exposition de la Place des Arts. Cette année, ils sont offerts d’octobre à mai.

 

Comment avez-vous choisi les artistes-médiateurs ?

Nous avons sollicité des artistes qui ont une pratique professionnelle dans la discipline en question, mais qui ont aussi une grande expérience avec les clientèles que nous ciblons. Nous avons construit tout le contenu des ateliers avec eux. Nous avons tous à cœur de nous adapter à chaque groupe avec qui nous travaillons et de faire en sorte que les participants se sentent à l’aise.

 

Quels sont les objectifs du programme ?

Le programme vise à créer un espace d’expression pour les participants, à stimuler leur créativité, à permettre la rencontre avec des artistes et, ultimement, à favoriser l’inclusion sociale et culturelle par le moyen qui est le nôtre : celui des arts de la scène.

 

Et que pensez-vous que l’art peut apporter aux participants ?

Nous pensons sincèrement que l’art change des vies, qu’il change le rapport aux autres et le regard qu’on pose sur le monde, et qu’il favorise le bien-être.

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